SANTE : „FAKE INJECTORS“,  le boom des injections „sauvages“

SANTE : „FAKE INJECTORS“,  le boom des injections „sauvages“

Des personnes prétendant être des professionnels formés annoncent des injections pour les lèvres sur les réseaux sociaux à côté de photos montrant comment elles peuvent rendre vos lèvres « « plus pulpeuses ». Les publicités pour cette procédure bon marché ont attiré un grand nombre de patientes, dont beaucoup sont extrêmement jeunes, qui aspirent à certaines normes de beauté. Mais la plupart des patientes ne se rendent pas compte du danger, voire de l’illégalité, de ces démarches qui se font partout en France. Par Docteur Benjamin Azoulay

Les actes de médecine esthétique, considérés comme non invasifs, font aujourd’hui partie intégrante du quotidien des Français. Ce marché a littéralement explosé ces 10 dernières années, encore plus avec les années COVID, avec des patients souhaitant rattraper une jeunesse qui s’étiole, ou simplement améliorer leur physique. Des personnes se prétendant professionnelles formées font du racolage pour des injections de produits pour les lèvres et le visage sur les réseaux sociaux en se servant de photos montrant comment elles peuvent donner un aspect plus jeune à votre visage et aussi rendre vos lèvres « plus pulpeuses »… Cet engouement concerne essentiellement les injections de Botox et d’acide hyaluronique (produit de comblement).

Photos: AFP/SaveFace/Stock/Unsplash/DR

Mais ce marché extrêmement lucratif attire également des faux professionnels cherchant à tirer profit de la crédulité ou de la jeunesse, encouragée par les influenceurs et promue sans aucun contrôle sur les réseaux sociaux : produits esthétiques de qualité inférieure, injections ratées (problème de dosage et/ou de technique) ou de produits illicites, méconnaissance de l’anatomie et non gestion des complications, injections dans des conditions d’hygiène douteuses, infections, nécroses… La liste est longue. On les appelle communément les “Fake Injectors”

Pratiques hors contrôle, les médecins alertent

La société française des chirurgiens esthétiques sonne l’alerte en dénonçant la multiplication des « fake injectors » qui pratiquent les injections de ces produits sous le manteau et sans diplôme. Le syndicat national de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique a déposé une dizaine de plaintes pénales pour exercice illégal de la médecine. Et comme le souligne le Dr Catherine Bergeret-Galley, secrétaire générale du syndicat de la profession : “les effets secondaires peuvent être graves et inclurent des inflammations, des infections locales, des nécroses cutanées, des anaphylaxies, des troubles cardiovasculaires et neurologiques, ainsi que des tumeurs”. 

Photos: AFP/SaveFace/Stock/Unsplash/DR

Le seul diplôme qui autorise les injections en médecine esthétique est le diplôme de médecin, plus exclusivement les chirurgiens plasticiens, les dermatologues, les médecins esthétiques, et dans des zones anatomiques qui leur sont consacrées, les ORL, chirurgiens maxillo-faciaux et les ophtalmologistes. Une infirmière, l’assistante d’un chirurgien qui l’a vu œuvrer pendant des années, et surtout ces fameuses „injecteuses“ qui fleurissent sur Instagram, aux dizaines de milliers de Followers, mais sans aucun diplôme, et l’explosion des fameuses „Russian-Lips“ n’ont aucunement le droit de pratiquer ces injections, et sont passibles d’emprisonnement pour exercice illégal de la médecine et mise en danger d’autrui. Les injections de produits de comblement sont des actes purement médicaux, on n’injecte pas n’importe quoi, n’importe où ! Et en effet, si ces produits sont strictement réservés aux médecins, on les trouve en vente libre dans certaines pharmacies et sur internet, encourageant toutes sortes de dérives. 

Produits interdits

Au-delà de la technique et du savoir-faire, les produits injectés posent également problème. Prenons l’exemple du „Russian-Lips“. Les fake-injectors vont utiliser des produits interdits dans les lèvres comme les injections de silicone (pratique encore courante dans certains pays de l’Est), aux conséquences dévastatrices sur les lèvres sur le long terme, conduisant parfois à faire des chirurgies aux séquelles irréparables, tant il est difficile d’extraire le silicone adhérant à la muqueuse ou à la peau.
Tout aussi illégal et dangereux, les injections d’acide hyaluronique très volumateur, que l’on injecte „normalement“ pour augmenter la taille des pommettes, la jew-line (élargissement de la mâchoire), et n’ayant absolument pas l’autorisation d’être injectée dans les lèvres, probablement la pratique devenue la plus courante, car, permettant d’avoir des résultats plus „impressionnants“ avec moins de produit à injecter, et donc plus attractif financièrement pour les patients. Le danger absolu reste l’injection dans une petite artère, créant une embolie (impossibilité pour le sang d’irriguer la zone injectée), et entraînant de manière irréversible des nécroses des ailes du nez, de la moitié d’une lèvre supérieure et/ou inférieure. N’étant pas médecin, les fake injectors n’ont absolument pas la capacité de gérer ce genre de complications, qui vont systématiquement entraîner des chirurgies délabrantes et des mutilations sur le visage, inaltérables. Un médecin connaît l’anatomie et est formé pour ne pas injecter dans une artère, mais sait aussi ce qu’il faut faire si un accident, rarissime avec les produits habilités, arrive, pour éviter à un patient d’en arriver au „stade chirurgical“.
Enfin, il y a aussi des contrefaçons achetées sur Internet, voire de la marchandise „tombée du camion“…
Les injectrices sauvages recrutent dans 99 % des cas sur les réseaux sociaux. Il faut se méfier des „botox-party“ organisées dans des appartements privés, ou de la promotion faite par certaines influenceuses, qui renvoient parfois vers ces „fake injectors“.

Photos: AFP/SaveFace/Stock/Unsplash/DR

Avoir une virgule bleue et des milliers de followers n’est pas synonyme de diplôme et de compétence, et des propos racoleurs comme une prise de rendez-vous par un lien qui renvoi vers un numéro WhatsApp, et des informations sur le lieu de l’injection révélées au dernier moment, doivent vous faire partir en courant. Faire des injections à bas prix, mais sans protocole de sécurité, sans aucune traçabilité des produits injectés, et sans aucune garantie de résultat, est une conduite dangereuse et qu’il faut endiguer de manière collective.

Enfin, une prise de conscience

Face aux dérives constatées dans le secteur de l’influence, le ministère de l’Economie ne veut „plus rien laisser passer“. Le mois dernier, Bruno Le Maire a présenté, lors d’une conférence de presse, une batterie de mesures pour encadrer l’activité des influenceurs sur les réseaux sociaux. Une définition plus stricte du statut d’influenceur ou d’agent d’influenceur, un encadrement du travail des mineurs, et l’interdiction de certaines promotions, dont la chirurgie esthétique : l’exécutif veut bannir la promotion de la prescription, la délivrance, la vente, la réalisation ou la consommation des actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique réservés aux professionnels de santé ainsi que des interventions de chirurgie.
Au final, le plus important est de retenir que les injections ne sont jamais un acte anodin. Vérifiez toujours que la personne qui pratique les injections est bien médecin (Site du Conseil National de l’Ordre des Médecins, Google…) et qu’il pratique dans un cabinet médical.
Bien que la médecine esthétique paraisse plus abordable financièrement, ou pour des rendez-vous plus rapides, auprès de ces „fake injectors“, il en va de la sécurité collective que ces injections soient réalisées par des professionnels diplômés et compétents, conformément à la législation en vigueur.

Photos: AFP/SaveFace/Stock/Unsplash/DR
Dr Benjamin Azoulay, Chirurgien Plasticien