Un titre faussement innocent, pour un film au vitriol, car derrière cette œuvre, inspirée de son propre séjour en prison, se cache un cri politique, une satire mordante où cinq anciens détenus cherchent à identifier leur tortionnaire… sans être sûrs qu’il s’agisse bien de lui. Une impasse mentale, aussi absurde que terrifiante.
Condamné en 2010 pour « propagande contre le régime », Jafar Panahi n’a jamais cessé de tourner, défiant les interdictions avec une ingéniosité sans bornes. De la célèbre clé USB envoyée à Cannes en 2011 avec „Ceci n’est pas un film“, jusqu’à cette Palme d’or historique, son parcours est celui d’un artiste insoumis, d’un cinéaste qui transforme chaque obstacle en terrain de jeu narratif. Lors de son discours, il n’a pas seulement remercié son équipe ou sa famille. Il a lancé un appel vibrant : „Le moment est venu de mettre de côté nos divergences. Ce qui importe, c’est notre pays et sa liberté. “ Un manifeste aussi poignant que sa filmographie.
Si Cannes est souvent habitué aux secousses artistiques, l’édition 2025 a aussi connu une panne de courant massive, interrompant les projections en milieu de matinée. Une coupure pas si accidentelle, qui a semé la confusion parmi les festivaliers. Heureusement, le festival ne s’est pas éteint, grâce aux générateurs de secours. Un parallèle involontaire mais saisissant avec Jafar Panahi lui-même : même plongé dans l’obscurité, le cinéma trouve toujours une façon de briller.
Sans surprise, Neon enchaîne sa 6ᵉ Palme consécutive, consolidant son emprise sur le prestigieux trophée. En effet, cette année, Mk2 a frappé fort, raflant pas moins de 6 prix, affirmant sa place sur l’échiquier du cinéma mondial. En tête de cette vague franco-norvégienne, „Sentimental Value“, de Joachim Trier, décroche le Grand Prix. Le film met en scène un cinéaste qui tente de renouer avec sa fille en lui proposant un rôle dans son œuvre la plus intime. Geste de réconciliation ou ultime acte d’égoïsme ? Une œuvre aussi brillante que déchirante.
Cette 78ᵉ édition, marquée par la tension, les prises de position et des chefs-d’œuvre engagés, restera gravée comme un moment où cinéma et politique ne faisaient qu’un. Dans la bataille entre lumière et ténèbres, Cannes a choisi son camp. Et, il est teinté de cinéma, de courage, et… d’une Palme d’or qui fait trembler bien au-delà de la Croisette.