À Phuket, Paul Santana grandit entre les marmites de sa mère, sa tante et sa grand-mère. Trois femmes, trois cuisinières, trois sources d’inspiration. Il a deux ans quand ses parents divorcent. Il reste avec sa mère, échappe de justesse au tsunami de 2004, et apprend très tôt que la vie peut basculer en un souffle. Adolescent, il découvre le breakdance en regardant les vedettes locales. Il s’entraîne, progresse, devient l’un des meilleurs du pays. À 17 ans, sa sœur, installée à Paris, lui propose de venir tenter sa chance. Il débarque, naïf, curieux, avec un rêve en tête : découvrir le break dans son berceau. Il ne parle pas un mot de français, mais au Centquatre-Paris, il rencontre Abdellaziz. Puis Élodie, Yoli, Chris, Ying… Une famille de cœur qui l’aide à se relever, à apprendre, à s’intégrer. Le break devient son langage, son refuge, son école de vie. Mais chez son père, l’ambiance est tendue. Il enchaîne les petits boulots, dort peu, danse beaucoup. Jusqu’à cette blessure au genou qui vient tout remettre en question. Son père, inquiet, lui impose un virage. Paul Santana obéit. Il range ses sneakers et entre en cuisine. Sans rancune. Juste avec l’envie de continuer à danser, autrement.
Trois ans de Bac Pro au lycée Guillaume Tirel, un an à Ferrandi, six stages, dont deux à Roland-Garros. Là, il croise le Chef Patrice Hardy. Coup de foudre culinaire. Un risotto de pommes de terre lui révèle que la simplicité peut être sublime. Le jeune apprenti part dans le sud de la France au Lavandou, travaille au réputé restaurant Le Mazet, apprend, compose, affine.
Avant tout ça, il a eu la chance de se retrouver comme commis dans le restaurant du chef Mory Sacko. Très vite, le chef révélé par l’émission Top Chef le prend sous son aile. Paul Santana apprend, observe, s’imprègne. Durant cette période, Mory Sacko obtient sa première étoile, il comprend dès lors que ce n’est pas un job, mais une vocation. Il découvre la rigueur absolue : pas d’excuses, pas d’absences. La cuisine exige une présence totale. C’est la meilleure leçon pour gérer un restaurant.
Puis retour à Paris, chez Pierre Chomet. Là, il répète ses gammes, pousse les curseurs, gagne en confiance. « On n’est pas des amateurs », dit le chef. Paul Santana confirme. Il devient un alchimiste des sens. Chaque plat est une chorégraphie. L’odeur, le goût, le toucher, la vue, l’ouïe : tout danse. Il remercie aussi Cristina, discrète, mais décisive, qui lui fait confiance. Et pour le jeune chef, ça vaut toutes les étoiles.


Paul Santana ne cuisine pas. Il performe. Il découpe comme il scratche. Il dresse comme il freeze. Il envoie ses plats comme des punchlines. Sa signature ? Une cuisine urbaine, métissée, explosive. Des assiettes qui racontent, qui claquent, qui dansent. Il ne s’ennuie jamais. Il cherche les extrêmes, les saveurs ultimes. Il invente, comme sa « bouteille intelligente ». Il explore, il rêve, il improvise. « Je ne vois pas un arbre comme vous », dit-il. Et c’est vrai. Il voit des ingrédients, des textures, des histoires. Il a cette capacité rare à transformer l’ordinaire en expérience. Pour lui, un plat n’est pas juste une assiette : c’est un souvenir, un voyage, une émotion. « Mon objectif ultime est d’éclairer, de surprendre et d’emmener les gens là où ils pensaient ne jamais pouvoir aller. »
Aujourd’hui, grâce à Abdellaziz, son frère de cœur depuis le premier jour, Paul Santana s’envole pour Marrakech. Nouveau défi : chef dans un restaurant bistronomique. Nouveau terrain de jeu, nouveau beat, il retrouve Charles, un autre passionné, et ensemble, ils veulent faire vibrer la scène culinaire marocaine avec une cuisine libre, audacieuse, habitée.
Un chef en devenir, mais déjà un artiste accompli. Il incarne la rigueur, la générosité, l’audace. Il ne suit pas les codes, il les réinvente. Il ne cherche pas la perfection, il cherche l’émotion. Et dans ses plats, on retrouve tout ce qu’il est : un survivant, un danseur, un conteur, un créateur. Il ne cuisine pas pour plaire. Il cuisine pour faire vibrer.