„Il faut du personnel Purple à gauche de la scène„, résonne la voix dans le talkie-walkie. Aussitôt, deux membres de l’association se rendent sur le lieu demandé et isolent un festivalier un peu trop éméché : „Est-ce que ça va ? Tu as trop bu ? „ Le jeune homme n’a pas eu de comportement déplacé, alors les bénévoles discutent un peu avec lui pour mieux juger son état et s’assurent que son comportement n’est pas problématique pour les autres.
Eux, ce sont les bénévoles de Purple Effect, la première association de terrain en France qui a pour vocation de rendre le milieu de la nuit plus sécurisé pour toutes et tous. Reconnaissables à leur T-shirts violet floqués du logo de l’organisme, les membres étaient présents sur le Aire festival samedi 9 juillet, un open-air techno à l’hippodrome de Parilly dans la banlieue lyonnaise.
Prévenir des dangers du monde de la nuit
C’est la présidente de l’association qui nous accueille au début de l’événement : „Il est encore tôt et il fait jour, c’est pour ça que c’est assez calme.„ Roxana a sa propre notion de calme : elle est hélée d’un peu partout par des membres de l’organisation : „En fait, on aide aussi le collectif qui organise la soirée à effectuer les tâches classiques de l’événement.„ Et pour cause : c’est grâce à ce collectif que Purple Effect a vu le jour en mai 2021. Tapage Nocturne cherchait alors à créer une association pour la gestion de ses membres afin de rendre leurs soirées le plus sécurisées possible. Roxana, Johanna et Arnaud ont alors l’idée de Purple Effect : „En réalité, ça s’est fait un peu par hasard. Mais on ne reviendrait en arrière pour rien au monde !„
La musique fait raisonner les basses des deux scènes de l’événement Aire. Des jeunes en tenues estivales dansent ou discutent un verre à la main sur le gazon frais de l’hippodrome. En face de l’entrée, une petite tente s’élève au-dessus d’un stand : bienvenue chez Purple effect. Les bénévoles alternent entre les différents rôles dans la soirée, et c’est à Louise de veiller sur le stand de prévention de l’association : „J’habite à Lille, mais je suis venue exprès pour faire mon stage avec Purple.“ Sur la table, on peut se servir : bouchons d’oreilles, préservatifs, prospectus de prévention sur la consommation de stupéfiants et sur les comportements déplacés.
Photos : Zoé Bontems
Même si les drogues sont interdites et illégales, le milieu de la nuit n’en est pas épargné, et malgré une fouille minutieuse de chaque personne à l’entrée de l’événement, certaines passent à travers les mailles du filet et réussissent à faire rentrer de la drogue. Les festivaliers en consomment souvent. „C’est toute la différence avec le service de sécurité avec qui on collabore. On agit comme des amis avec qui les victimes n’auront pas honte de dire ce qu’ils ont consommé, pour faciliter leur prise en charge par les secours“, explique Roxana. Elle ajoute : „On considère que s’il y a des problèmes avec la prise de stupéfiants en soirée, c’est que beaucoup sont mal informés ou ne le sont pas du tout.“
45 minutes avant chaque début d’événement, les bénévoles choisis pour veiller sur la soirée se rassemblent avec la sécurité pour présenter l’association et les règles appliquées. Une autre réunion est assurée par un référent juste pour les membres, où la procédure et les règles de fonctionnement sont expliquées en détail. „Chaque bénévole travaille en général pendant deux heures de shift, et peut ensuite profiter de la soirée. Il est interdit de se droguer pendant toute la soirée, et il faut éviter de boire pendant son shift.“
La branche de l’organisme qui s’assure qu’il n’y a pas de violence sexiste ou sexuelle, ce sont les copains et copines de la nuit qui patrouillent dans la soirée. Ils tournent et observent la foule et les endroits reculés pour vérifier que tout se passe bien. Quand ils doivent intervenir, il y a deux cas de figure : si l’agression est grave, pour ne pas se mettre en danger, les bénévoles ont ordre de ne jamais se confronter directement avec l’agresseur. Ils doivent cependant aller tout de suite voir la victime pour l’aider, discuter avec elle et bien sûr prévenir la sécurité qui contactera la police si nécessaire. Dans ce genre de cas, l’accompagnement de la victime est essentiel. Si elle a été droguée, Purple Effect s’assurera de la prise en charge de la personne, soit par ses proches, soit par les services compétents. „On ne se substitue pas aux services déjà présents comme les secours ou la sécurité, mais on est le lien jusqu’à eux qui manquait jusqu’à présent.„, explique la présidente. Dans les cas où l’agression est moins grave mais inappropriée comme les frotteurs insistants, les bénévoles adoptent une autre marche à suivre : ils isolent la personne problématique, discutent avec elle pour lui expliquer son comportement déplacé, et si elle n’est pas réceptive, elle est raccompagnée à la sortie. Alex, membre depuis six mois, précise : „Ce qu’on fait en majorité, c’est de gérer des personnes trop défoncées.“
Photos : Zoé Bontems
Les équipes communiquent entre elles avec des talkies-walkies et aussi en conversation privée sur les réseaux sociaux pour chaque soirée. Le lendemain, chaque bénévole envoie un débriefing du déroulement de la soirée et le référent compile le tout dans un débriefing général.
La présence seule de Purple Effect dans les événements dissuade les agresseurs et rassure le public. Laina profite du festival Aire, et danse un verre à la main : „Je n’ai jamais eu à aller vers eux, mais maintenant, je sais vers qui me tourner !„ Sa sœur Maëva a eu moins de chance : „Une fois, un gars m’a collé et m’a demandé si je voulais le sucer contre de la drogue. Une autre personne a vu la scène et a prévenu Purple qui a viré le mec de la soirée.“
La popularité de Purple Effect peut se mesurer au nombre d’adhérents qui ne cessent d’augmenter. Pour assurer leurs activités et développer de nouveaux projets, l’organisme trouve des moyens de financements divers. Pour commencer, les adhésions coûtent 5 euros symboliques, mais les bénévoles sont encouragés à faire un don au moment de l’inscription. Une campagne générale de dons a aussi été initiée et une adhésion annuelle de 50 euros est demandée aux salles, collectifs ou entreprises qui souhaitent collaborer avec l’association de manière permanente.
Plus original, une tombola a été mise en place en janvier, avec des tickets à 2 euros mis en vente. À la clé, de nombreux prix offerts par les partenaires : des places de soirée, des affiches du célèbre DJ Laurent Garnier, des vrais tatouages, des vêtements de friperies… Au total, cette tombola a permis de récolter 550 euros ! Pour la présidente, cet argent est important pour le développement de l’association : „On aimerait bien pouvoir payer nos stagiaires à l’avenir, et il faut aussi payer le matériel. Récemment, on a investi dans des talkies-walkies, des oreillettes, des affiches… Il y a aussi les frais de déplacement de nos bénévoles et les réunions qui impliquent des frais.“
Plusieurs membres très investis souhaitent travailler à temps plein pour l’association, mais pour le moment, ce n’est pas si simple puisque personne n’est en mesure d’avoir un salaire malgré le nombre d’heures passées pour Purple Effect. Mais dans les yeux des bénévoles, c’est une occupation qui prend un sens et donne à certains des projets qu’ils n’imaginaient pas auparavant.
L’organisation souhaite bien sûr s’étendre dans d’autres grandes villes, mais en prenant le temps de faire les choses correctement et d’être bien organisée. Elle a été invitée à Paris à deux reprises par l’association Act Right dans le cadre d’une conférence et de débats entre partenaires du milieu de la nuit pour mieux sécuriser les soirées. Leur impact ne fait que commencer. Pour la présidente, ce n’est que le début. Roxana entre en deuxième année de Master de communication, mais elle s’enthousiasme de pouvoir s’occuper un jour pleinement de Purple Effect : „C’est le projet qui m’a fait kiffer, qui me fait encore kiffer et dans lequel je veux pleinement m’investir !“
En bref:
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