Exposition de dessins sur mouchoirs en tissu du 11 septembre au 6 novembre 2021. Preview presse vendredi 10 septembre + samedi 11 septembre sur rendez-vous, en présence de Reno Leplat-Torti.
Preview VIP vendredi 10 septembre de 14h à 19h en présence de Reno Leplat-Torti
Du 11 septembre au 6 novembre 2021, la galerie delphine courtay inaugure sa nouvelle saison en exposant une centaine de Paños, dessins sur mouchoirs en tissu, représentatifs de l’art carcéral chicano, provenant de la collection de Reno Leplat-Torti. L’art du Paño est apparu dans les années 40 dans les prisons du Texas, de Californie et du Nouveau-Mexique au sein de la communauté chicana, une tradition qui perdure aujourd’hui dans les prisons du sud-ouest des Etats-Unis.
Cet art singulier, à la marge des circuits traditionnels, s’inscrit dans ce que l’on appelle l’« art outsider ». La galerie est honorée d’accueillir les oeuvres des Pintos – artistes prisonniers américains d’origine mexicaine – et d’aider par cette exposition collective, ces artistes de l’intérieur, souvent condamnés à perpétuité, à exister et à voyager au-delà de leur univers carcéral.
À la manière d’une carte postale, les dessins réalisés par les pintos sur les mouchoirs de coton blanc distribués par l’administration pénitentière, les paños, sont l’unique support destiné à transmettre un message à
l’extérieur. Outre l’illétrisme fréquent parmi les détenus, ces toiles miniatures sont aussi une façon d’avouer pudiquement leurs sentiments, émotions, pensées, rêves dissimulés et d’offrir ce témoignage affectif à leurs
proches. Griffés façon tattoo avec l’encre des stylos bille, ces étoffes enluminées véhiculent leur propre code, leur propre technique, transmise d’une génération de détenus à l’autre.
Les pintos sont souvent d’anciens membres de gangs qui purgent de longues peines. Ils s’inspirent de la culture visuelle éclectique de la vie dans le barrio (guetto chicano) où beaucoup de façades sont ornées de murales (fresques colorées) magnifiant l’identité chicana : mythes aztèques, guérilleros révolutionnaires mexicains, îcones religieuses… mais aussi la vida loca (la vie folle dans le barrio). Ils déchirent ainsi les pages
des livres de bibliothèque et des revues pornographiques illicites, stockent les images imprimées pour se constituer des copias (collections personnelles d’illustrations) qui s’échangent clandestinement entre codétenus. Ils reproduisent plus ou moins habilement cette imagerie avec les matériaux qu’ils trouvent à portée de main par une technique de transfert, proche de celle du tatouage.
Puissamment expressifs, les dessins témoignent de la vie des pintos en captivité à travers une grande force esthétique, apparaissant telles des pages arrachées de journaux intimes cathartiques. Les thèmes graphiques varient en fonction du destinataire. Modestes dessins intimistes, personnages de cartoons, fantasmes éroticosentimentaux, Jésus-Christ et la Vierge de la Guadelupe, vida loca, addiction à la drogue, dieux aztèques…
Ces références iconographiques s’entremêlent à celles de l’univers carcéral (barreaux, miradors, sablier, fils barbelés…) dans une composition dense.
Cet art clandestin de la sphère intime est aujourd’hui entré dans le monde de l’art. Autrefois anonymes, certains détenus signent aujourd’hui leurs productions qui en font un véritable art populaire. Surveillée de plus
en plus par l’administration pénitentière, toute cette tradition artistique risque un jour de disparaitre.
Reno Leplat-Torti, né en 1984 à Marseille, est artiste sérigraphe, graphiste, auteur de comics, réalisateur de documentaires, collectionneur. Issu du graphzine, il intègre l’École des Beaux-Arts de Nîmes où il fonde la maison d’éditions Nunu. En 2009, en glanant sur internet des petits objets fabriqués en prison, il découvre l’art des paños. Frappé par la puissance à la fois du sujet et de la forme, il prend contact avec des familles de détenus américains et possède aujourd’hui une collection de plus de 600 mouchoirs présentée dans de nombreuses galeries en Europe. Il prépare également un film documentaire sur cette tradition carcérale.
Entré également dans diverses collections privées et publiques, l’art carcéral chicano a eu les honneurs de la Biennale de Venise en 2013 lors d’une expositon curatée par l’artiste Cindy Sherman. Il est
également présenté dans de nombreuses expositions prestigieuses en France comme au Quai Branly en 2014, ou encore au Musée Confluence à Lyon en 2019, ainsi qu’à l’international dans différents musées, centres d’art et galeries d’art avec qui, Reno collabore également.
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