MODE PIERRE CARDIN: Un visionnaire peu académique bien dessus de la mode

MODE PIERRE CARDIN: Un visionnaire peu académique bien dessus de la mode

Pierre Cardin pionnier incontesté du prêt-à-porter s’est éteint à l’aube de ses 100 ans. Créateur éclectique et entrepreneur visionnaire, il aura marqué le XXe siècle avec des conceptions prophétiques empreintes de technologie, Il a vécu pour voir ses modes réévaluées, par nombre de créateurs qui se sont inspirés de ses collections et pas des moindres: Simon Porte chez Jacquemus et aussi dans une certaine mesure, le grand Karl Lagerfeld chez Chanel. Au cours de sa vie, Pierre Cardin fera évoluer une mode trop convenue sous l’effet de créations osées et de transformations technologiques comme l’apparition de matières synthétiques et le développement de licences utilisant son patronyme. Une diversification à l’extrême qui en vulgarisant son nom fera les gros titres des journaux mais lui permettra de se constituer un véritable empire qui s’étend sur le monde entier et qui fait travailler près de 250.000 personnes. Né à Sant’Andrea di Barbarana dans la région de Trévise en Italie en 1922, il est le plus jeune des 8 enfants d’un propriétaire foncier ruiné par la Grande Guerre et contraint d’émigrer à travers les Alpes en 1924, pour atterrir dans le centre de la France. Naturalisé français, c’est là qu’il grandit jusqu’en 1939, date à laquelle il se rend à Vichy pour devenir apprenti tailleur. Au début de la Seconde Guerre mondiale, il servit à la Croix-Rouge comme bénévole. Après la guerre, À 23 ans, il s’installe à Paris pour étudier l’architecture, mais son habileté dans la couture le fait travailler à la maison de couture Jeanne Paquin. Avant d’être embauché par Elsa Schiaparelli. Dans la capitale, Pierre Cardin rencontre le réalisateur Jean Cocteau et conçoit des costumes pour son film de 1946, La Belle et Bête avant d’entrer chez Christian Dior en 1946.
Christian Dior, qui l’a embauché, a été parmi les premiers grands couturiers à croire en lui : mais Pierre Cardin a eu de véritables relations avec toute l’élite de la mode, d’Yves Saint-Laurent à Givenchy et aussi avec Giorgio Armani, dont il a toujours retenu l’élégance. Sa carrière stylistique est encouragée lorsque Christian Dior le met en charge de sa confection. En 1950, il s’installe à son compte, fonde la maison qui porte son nom et l’année suivante, il se fait connaître du grand public grâce à la création de nombreux et spectaculaires costumes pour le bal masqué organisé à Venise par Carlos de Beistegui, et présente sa première collection couture en 1953. 


Photos : Sonia Sieff/AFP/Getty Images AP/WWD/Gammo Rapho/Keystone/Epa/Iconic/Images/David Hume Kennerly/Cardin/DR

Haute couture à part, Pierre Cardin ne fait pas dans la dentelle, il démocratise le genre et voit plus loin. Il sent que l’avenir de la mode est dans la rue, sur les gens „ordinaires“, et commence à travailler vers cet objectif. Les costumes de Pierre Cardin sont prisés par des célébrités telles qu’Eva Peron, Rita Hayworth, Elizabeth Taylor, Bridget Bardot, Mia Farrow et Jacqueline Kennedy. En 1957, le couturier ouvre le premier magasin de mode pour homme à Paris, où il est possible d’acheter des cravates colorées et des chemises imprimées. L’unisexualité du travail de couture de Pierre Cardin a vraiment séduit les années 1960. Les mythiques costumes de John Steed et Emma Peel dans la série britannique Chapeau Melon et Bottes de cuir sont un succès et ses vêtements pour hommes étaient bien en avance sur tout ce qui était disponible. Les Beatles ont adopté les célèbres vestes sans col et sans revers et bien d’autres artistes tels que Grégory Peck, Rex Harrison et Mick Jagger ont adhéré à la mode décalée de Pierre Cardin. Plus tard, il fut le premier couturier à entrer sur le marché japonais en 1959 puis à créer une collection à bas prix. Une initiative osée qui changea le cours du destin, celui du prêt-à-porter, qu’il montra dans les grands magasins parisiens Printemps, mais qui déplaît fortement à la Chambre Syndicale de la Couture, laquelle le poursuit en justice pour le réadmettre peu de temps après.

Investissement tout azimuts

Poursuivant son chemin, dans les années 60, il crée un réseau de produits sous licence pour mieux pénétrer le marché et cette fois de son plein gré, il quitte la Chambre Syndicale de la Couture. Obsédé par la technologie, il est doué pour imaginer la tendance de la mode des décennies suivantes. Pierre Cardin sculpte les vêtements en jouant avec les coupes et les formes. Il pousse ses créations de plus en plus loin, préférant les tissus artificiels et les grosses géométries.


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Sa fameuse collection Cosmos de1967 dont les longs fourreaux entourés de „satellites-anneaux“ défiant presque les lois de la gravité en est parfaite illustration. Cependant, sa création la plus célèbre est peut-être la Bubble Dress élaborée en 1954 et plébiscitée unanimement par le public. Ensuite, dans les années suivantes vinrent les robes en pvc, les lunettes, les pull-cocons, les shorts et les bottes en cuir verni. Il construit sur la côte d’Azur en collaboration avec l’architecte hongrois Antti Lovag, la Bubble House,  un véritable palais composée d’une série de „bulles“ meublées dans un pur style futuriste. Pour commencer, à présenter ses collections, il crée l’Espace Cardin, Inauguré en 1971, c’est l’un des premiers exemples de grands espaces gérés par des designers. Une initiative sur-mesure qui laisse souvent la place aux jeunes créatifs les plus prometteurs agissant également en tant que dénicheur de talents. En 1979, il a été le premier à défiler sur la Grande Muraille de Chine, et depuis ses présentations de mode sont mises en valeur dans les lieux les plus spectaculaires, du désert aux villages médiévaux.
Infatigable, il confirme au fil des années ses capacités avec de gros investissements. Début des années 80, il rachète le célèbre restaurant parisien Maxim’s, dont il décline plusieurs antennes à Pékin, New York… En 2001, il rachète les ruines du château provençal de Lacoste, où vivait le marquis De Sade. Un lieu qu’il restaure partiellement afin d’y organiser chaque été un festival de musique pour les artistes émergents.
En hommage à ses origines vénitiennes, il achète aussi un beau Palazzo à Venise. 


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Précurseur de la mode, Pierre Cardin reste l’homme des premières : premier à créer la collection de mode pour hommes en 1960 ; premier à se rendre au Japon, en Chine et en Russie pour ouvrir des boutiques ; premier à appliquer des licences pour la distribution de produits divers et hors couture ; premier à monter des expositions ; premier à habiller tous les domaines de la vie, des lunettes aux restaurants, des bateaux aux avions… Avec de nombreuses distinctions en France et à l’international, son impact a marqué le XXe siècle et va bien au-delà de la mode…
Amateur et mécène des beaux-arts, également auteur d’un livre d’analyse sur la vie et l’œuvre de Fernand Léger ou encore sur la grande danseuse russe Maïa Plissetskaïa, Pierre Cardin, artiste et visionnaire, a cherché sans cesse des formes d’art à développer et à consacrer…

Homosexuel déclaré, il a toujours réitéré son attirance pour la comédienne Jeanne Moreau, dont il aurait également voulu un enfant, l’un de ses plus grands regrets. Mais sa relation la plus longue fut celle avec son collaborateur et assistant André Oliver, décédé en 1993. À l’étranger, Pierre Cardin croule sous les distinctions en tout genre. En France, il fut le premier couturier académicien et en 1993, il crée 5 prix annuels, d’un montant de 7650 euros chacun, décernés à un peintre, un sculpteur, un architecte, un graveur et un compositeur sur proposition de chacune des sections concernées de l’Académie.
Inhumé au cimetière de Montmartre vêtu de sa tenue complète d’académicien, Pierre Cardin a son piédestal d’ores et déjà assuré, ainsi que l’immortalité qui lui est si familière.


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