Lorsque le rideau s’est levé sur l’ultime défilé, une atmosphère empreinte d’une sophistication discrète, mais palpable s’est emparée de l’assistance. La première silhouette à fouler le podium, un trench de teinte beige, incarnait une élégance tranquille. Drapant le mannequin d’un large col évasé, laissant à nu le torse en dessous, il était sublimé par un collier de perles brutes, évoquant des canines primitives, conférant une touche d’élégance à la fois subtile et audacieuse. Maria Grazia Chiuri, dans cette collection, a magistralement fusionné des formes architecturales audacieuses avec des matières avant-gardistes, insufflant vie à un éventail de créations narratrices d’une histoire riche et complexe.
Elle a tissé avec maestria l’héritage historique de la maison Dior avec des éléments résolument contemporains, créant un dialogue entre le passé et le présent. Une jupe drapée, ornée de fils métalliques tissés à la manière ottomane, rendait hommage à l’artisanat de la haute couture, tout en soulignant l’influence ottomane qui imprégnait la collection.
Au cœur de cette présentation, un vibrant hommage était rendu aux couturières de l’ombre de Dior, ces artistes méconnues dont le savoir-faire se manifestait dans des pièces d’une finesse inouïe, telles qu’un haut en fleurs crochetées ou une tapisserie complexe débordante de fleurs colorées. Ces chefs-d’œuvre ont captivé l’audience, les invitant à immortaliser l’instant avec leurs appareils photo, tant ils représentaient l’apogée du spectacle. Plongeant plus avant dans le patrimoine de Dior, la robe „La Cigale“, joyau de la collection automne-hiver 1952 de Christian Dior, a été réinterprétée pour s’inscrire dans notre époque. Sa structure sculpturale et son tissu moiré luxueux ont été réinventés, témoignant de la capacité de la couture à se réinventer tout en respectant son passé.
Cependant, l’ambition de la collection a parfois conduit à une certaine disparité thématique. Les broderies, bien que d’une beauté à couper le souffle, pouvaient par moments sembler déconnectées, comme en témoignait une longue robe portefeuille en crêpe noir, élégante, mais quelque peu étrangère au reste de la collection. Cette diversité, peut-être intentionnelle, soulignait le concept d’unicité propre à la haute couture, mis en lumière par l’installation d’Isabelle Ducrot. Chaque vêtement, au-delà de sa fonction première, reflétait l’individualité de celui ou celle qui le portait, une quête d’unicité qui, bien que noble, rendait la collection de temps en temps disparate, mais toujours une expression puissante du pouvoir transformateur de la couture.
Dans un décor spectaculaire, vingt-trois robes surdimensionnées, d’une hauteur avoisinant les cinq mètres, étaient suspendues sur une grille évoquant la chaîne et la trame, dessinée par des bandes noires irrégulières. Ces créations monumentales, inspirées des robes des sultans ottomans qu’Isabella Ducrot avait admirées à Istanbul, représentaient une abstraction de la robe, symbole d’un pouvoir transcendant les corps. Dans cette collection, Maria Grazia Chiuri nous rappelait, à travers la présence matérielle, chromatique et constructive des éléments qui sculptent les silhouettes, la valeur artistique et culturelle de la Couture : une expérience puissante et performative, qui transcende la simple contemplation pour devenir une célébration de l’individualité et de l’art.
Maria Grazia Chiuri
„J’ai découvert que ma personnalité est toujours de vouloir une certaine fonctionnalité à tout ce que je fais. Chaque vêtement est un projet, et je ne l’oublie pas. La fonctionnalité doit toujours être prise en considération.“.