B.B, dernière braise des bêtes indomptée

B.B, dernière braise des bêtes indomptée

Brigitte Bardot s’est éteinte à 91 ans dans sa maison de La Madrague, là où elle avait choisi de vivre loin du vacarme, entourée d’animaux et de silence. Icône absolue du cinéma français, muse planétaire et figure majeure de la cause animale, elle laisse derrière elle une empreinte que rien n’effacera. Une vie de lumière, de fracas, de combats et de liberté. Par Khalad

La fin d’une légende, au bord de la mer

La Fondation Brigitte Bardot l’a annoncé avec une immense tristesse, rappelant qu’elle était bien plus qu’une actrice ou une chanteuse mondialement reconnue. Elle était leur fondatrice, leur présidente, leur souffle. Elle avait tourné le dos au cinéma depuis plus de cinquante ans, mais son ombre n’a jamais quitté l’écran. Une cinquantaine de films, et deux scènes qui ont traversé le temps comme des éclairs : le mambo brûlant d’“Et Dieu… créa la femme“, et le monologue nu du „Mépris“, où elle énumérait son corps comme on récite un poème interdit. Brigitte Bardot n’a pas seulement joué dans Saint-Tropez. Elle l’a inventé. Elle a façonné la légende du village, comme elle a façonné celle de Buzios au Brésil. Elle a imposé un style, une allure, une manière d’être au monde : ballerines, marinières, vichy, cheveux libres, regard franc. Elle fut une Marilyn Monroe à la française, mais plus sauvage, plus indomptable, plus imprévisible. Une femme qui n’a besoin de personne, comme elle l’a chanté pour Serge Gainsbourg, et qui n’a jamais demandé la permission d’exister.

Le choix radical d’une vie : quitter les projecteurs pour sauver les animaux

En 1973, après son dernier film, elle a fait un geste que personne n’avait vu venir : elle a quitté le cinéma. Pas pour se retirer, mais pour se battre. À une époque où la cause animale n’intéressait presque personne, elle a tout osé. Elle a dénoncé la corrida, les bébés phoques massacrés sur la glace, les élevages intensifs, l’abandon, la souffrance dans les abattoirs. En 1986, l’actrice crée la Fondation Brigitte Bardot. Quarante ans plus tard, elle aura sauvé, soigné, protégé des milliers d’animaux, inspiré des générations de bénévoles, fait bouger des lois, réveillé des consciences. Sans elle, la cause animale en France n’aurait sans doute pas la place qu’elle a aujourd’hui. Elle a prouvé qu’un cri du cœur peut changer le monde, et qu’une femme seule peut déplacer des montagnes.

Photos : Fondation Brigitte Bardot/© Douglas Kirkland/Terry O’Neill/Cocinor/Everett Collection/Festival de Cannes/Getty Images/Ariane Rykov/DR
Une figure controversée, mais jamais tiède

Ces dernières années, Bardot s’était surtout fait entendre pour ses prises de position politiques, souvent abruptes, parfois choquantes, qui lui ont valu plusieurs condamnations. Elle revendiquait sa liberté de ton, même quand elle dérangeait. Elle écrivait encore récemment que la France était devenue terne, triste, abîmée. Elle assumait ses colères, ses excès, ses fidélités. Brigitte Bardot n’a jamais été tiède. Elle n’a jamais cherché à plaire. On peut discuter ses mots, mais pas son courage d’être elle-même.

La Madrague, dernier refuge d’une femme qui voulait la paix

Ces dernières années, elle vivait entre La Madrague et La Garrigue, une maison cachée dans la verdure, avec une chapelle privée et une arche de Noé miniature. Elle disait : „Maintenant je vis comme une fermière avec mes moutons, mes chèvres, mes cochons, mon petit âne, ma ponette, mes chiens, mes chats.“  Elle voulait la paix, la nature, le silence. Une vie passée à être regardée, elle voulait finir en regardant les autres vivre.

Photos : Fondation Brigitte Bardot/© Douglas Kirkland/Terry O’Neill/Cocinor/Everett Collection/Festival de Cannes/Getty Images/DR

Ce qui reste, quand la lumière s’éteint

Aujourd’hui, une voix historique de la cause animale disparaît. Peut-être la voix qui aura le plus fait bouger les choses. Mais une conscience, elle, ne meurt jamais. Brigitte Bardot laisse derrière elle un pays qu’elle a fasciné, agacé, bouleversé, inspiré. Elle laisse des images qui ne vieilliront jamais, des combats qui continueront sans elle, et une idée simple, presque enfantine, mais immense : la liberté, c’est d’être soi, même quand ça dérange. Et ça, Brigitte Bardot l’a incarné jusqu’au bout.

 

Photos : Fondation Brigitte Bardot/© Douglas Kirkland/Terry O’Neill/Cocinor/Everett Collection/Festival de Cannes/Getty Images/Ariane Rykov/DR