Il suffit de franchir les portes du Grand Palais pour sentir le frisson. Celui d’un monde qui brille, qui claque, qui veut séduire. Art Basel Paris 2025 ne fait pas dans la demi-mesure : champagne à la main, regard en alerte, les visiteurs glissent entre les stands comme dans un bal masqué. Le décor est planté dès l’entrée, avec le mur de LED signé Barbara Kruger et son cri silencieux, « Remember Me », comme un rappel que l’art, ici, se joue à la lumière des projecteurs.
Mais derrière les slogans et les installations hypnotiques, une autre partition se joue. Le marché de l’art tangue. Les ventes à plus de 10 millions de dollars s’effondrent, les galeries s’adaptent, les collectionneurs rajeunissent. Et pourtant, dans les allées de la foire, les œuvres accessibles restent en retrait. À Art Basel, on mise sur le spectaculaire, sur le présentiel, sur l’émotion immédiate.
Le parcours est un vertige. Rachel Harrison dresse ses totems peints, Noa Eshkol tisse ses textiles poétiques, James Turrell hypnotise avec ses jeux de lumière. On passe d’un mobile vaudou de Julien Creuzet à un dessin minimaliste de Raymond Saunders, d’une sculpture en marbre d’Alina Szapocznikow aux toiles lumineuses de Ben Sledsens. Chaque pas est une collision, chaque regard une surprise. Les galeries asiatiques, elles, osent. Kukje de Séoul expose les cordes de Haegue Yang et les paysages en soie de Kibong Rhee. Et les coups de cœur s’enchaînent : les dégradés de Rob Pruitt, les céramiques de Keiji Ito, les toiles électriques de Michel François, qui semblent capturer la lumière comme un secret.
Dans la section « Émergence », le ton change. On y croise Ethan Assouline et ses bricolages colorés, Arash Nassiri et ses maquettes angoissantes, Duyi Han et ses environnements aseptisés. La galerie Sultana mise sur Harry Nuriev, Commonwealth and Council sur Gala Porras-Kim. Ici, l’art cherche, tâtonne, bouscule. Un détour par la tente de la Concorde, et c’est un bond dans les années 90. La foire « Moderne » ressuscite les galeries d’antiquaires, les céramiques de Lucien Petit, les souvenirs d’un autre temps. À quelques pas, Design Miami peine à surprendre malgré le cadre, l’ancienne résidence de Karl Lagerfeld, et les installations immersives de Paulin Paulin Paulin. On retient surtout le mobilier japonais vintage de Side Gallery et la table basse « Jello » de Marco Campardo, alliance de design et de technologie.
Art Basel Paris 2025 est un théâtre. Celui d’un marché en transition, où les jeunes collectionneurs prennent le relais, où les galeries réinventent leurs codes, où les œuvres à moins de 5 000 dollars gagnent du terrain. Mais la foire, elle, reste fidèle à son ADN : un lieu où l’art se vit, se montre, se performe. Sous la verrière du Grand Palais, l’art contemporain ne cherche pas à plaire. Il danse, il provoque, il interroge. Et dans ce monde en mouvement, c’est peut-être là qu’il est le plus vivant.*


