Hakuhō Shō, le lutteur de sumo le mieux classé au Japon, est sans doute le meilleur de tous les temps à participer au sport national japonais. Fort de six titres de champion de sumo, le lutteur originaire de Mongolie reste à 35 ans le recordman de victoires en tournoi avec pas moins de 44 succès glanés. Mais le légendaire champion s’est retrouvé en fin d’année dernière positif au Covid-19. Inquiet pour son équipe et pour son sport, il s’est mis à l’écart en quarantaine au milieu d’une augmentation troublante de cas chez les Sumotoris au Japon.
Le natif d’Oulan-Bator en Mongolie est un Yokozuna, le rang suprême chez les sumos. En 2019, il obtient même la nationalité japonaise du fait de ses performances sur le Dohyō. Un privilège rare, qui l’a obligé à renoncer à sa nationalité mongole étant donné que le gouvernement japonais ne reconnaît pas les bi-nationaux.
Ce début d’année est bien compliqué pour les sportifs au Japon, tous confronté à cette pandémie ambiante qui persiste et la légende des Sumotoris n’est pas épargnée. Hakuho, qui après avoir remarqué sa perte d’odorat, a subi dernièrement un test de coronavirus. Résultat positif qui l’entraîne dans une quarantaine obligatoire avec de ce fait l’impossibilité de participer aux épreuves durant cette période. Exit le premier tournoi de l’année, qui augurait son retour à la compétition, après avoir raté les deux échéances précédentes en raison d’une blessure récurrente au genou.
Le sumo, qui implique des contacts physiques étroits et des interactions en face-à-face, semble être un terrain particulièrement fertile pour la transmission du virus. Les lutteurs de sumo s’entraînent et vivent souvent ensemble dans de petits groupes d’entraînement, appelés Heya, ce qui pose problème avec les codes actuels de distanciation. Les instances et la fédération des Sumotoris ont testé toute l’équipe en contact avec Hakuho, ce qui a entraîné des périodes de quarantaine pour certains autres lutteurs et entraîneurs considérés comme cas contact. Aucun risque n’est à prendre dans ce sport, qui en fin d’année 2020 a trouvé plusieurs clusters de coronavirus dans des Heyas impliquant de nombreux lutteurs, arbitres et accompagnateurs. Shobushi Kanji, un sumotori de quatrième division âgé de 28 ans est décédé suite aux complications du coronavirus en mai dernier.
L’un des six tournois majeurs de sumo a toutefois été annulé, mais les autres se sont déroulés, avec moins de spectateurs ou en huis clos avec certaines rituels modifiés, notamment la traditionnelle louche d’eau qu’un lutteur gagnant à l’autre.
En attendant les premières vaccinations au Japon, ces nouvelles flambées sont toutefois inquiétantes pour le sport quelques mois seulement avant les Jeux olympiques de Tokyo 2020, reprogrammés au plus fort de la pandémie l’année dernière. Les officiels japonais et internationaux des Jeux olympiques continuent d’insister pour que les Jeux, qui devraient débuter en juillet, se déroulent comme prévu cet été.
Le sumo ne fait pas partie du programme olympique, mais c’est le sport national du Japon, avec ses traditions ancestrales. Ces dernières années, plus d’étrangers, en particulier des Mongols comme Hakuho, l’ont dominé. Ses meilleurs tournois ont également commencé à attirer plus de fans étrangers et l’intérêt de ce sport de combat est à l’avenant.
Les Jeux olympiques de Tokyo 2020 sont imminents et le Japon se plie aux efforts sanitaires drastiques pour que tous puissent profiter de ces Jeux pas comme les autres comme une une aventure culturelle dans le paysage japonais. Le sumo était l’un des 26 sports à postuler pour une place aux prochains Jeux olympiques, mais il a malheureusement été rejeté. Cela ne veut pas dire que le sumo n’aura aucune présence durant cette période faste, les Sumotoris se consacreront à des exhibitions d’honneur, une occasion de mettre le sport sumo en exergue aux yeux du public et ainsi susciter l’intérêt. Le sumo est né dans le cadre d’une célébration rituelle dans la religion ethnique du Japon baptisée shinto, qui est une religion polythéiste. Le shinto est le culte de nombreux esprits différents à travers des célébrations et des sanctuaires dont certains ont adopté une forme de danse rituelle représentant une lutte entre un esprit humain et un esprit divin. Il s’agissait en fait d’un processus important impliquant de nombreux candidats et connu sous le nom de „Sumai no Sechie“. Une sorte de fête Sumai qui date de la période Heian,
2000 ans en arrière. Le mot sumo fut développé au fil du temps à partir de „Sumai“.
Les règles et la popularité du sumo ont fluctué au cours de l’histoire du Japon. En temps de guerre, le sumo est devenu un programme d’entraînement utile pour enseigner à la population le combat et les positions à adopter. Au XVIe siècle, à l’époque du seigneur Oda Nobunaga, les règles du sumo ont commencé à se solidifier dans un sport qui deviendra sport national au pays du soleil levant.
Durant le règne de Nobunaga, la pratique évolua, avec dans un premier temps l’établissement d’un anneau dans lequel se battent les sumos, et dans un second temps, le style vestimentaire. À la place des ceintures de Muwashi que portent les sumos actuels, les combattants de l’époque étaient vêtus d’un pagne ample doublé d’un tablier décoratif. Le tablier n’est plus utilisé dans les combats aujourd’hui, mais il est visible parfois sur des sumos professionnels participant aux cérémonies d’avant-tournoi.
La discipline du sumo est devenue assez controversée ces dernières années, gangrenée par des scandales à répétitions, des matchs truqués, des paris douteux et quelques collusions avec les yakuzas. Toutefois, les instances travaillent en sorte de résoudre certaines tensions à l’avenir. En outre, les lutteuses femmes sont encore interdites de participer aux matchs officiels de sumo, ce qui explique pourquoi les compétitrices ne se bousculent pas. Pourtant, il y a une scène féminine pour concourir au niveau international, ce qui montre la détermination et la passion des femmes de s’impliquer et de moderniser ce sport séculaire. Une porte ouverte pour les femmes depuis deux décennies avec des rencontres internationales, mais seulement toujours en amatrices et surtout déchargées de connotation divine, car elles sont considérées comme impures dans la religion shintoïste.
À l’instar de leurs homologues masculins, les sportives Sumotoris ont le même processus rigoureux d’entraînement et n’ont rien à leur envier. Mais au Japon, les préjugés les concernant sont tels qu’elles ont du mal à recevoir a même reconnaissance professionnelle. Un véritable parcours du combattant dans une société toujours très masculine. Politiquement mal perçue à l’international, la Fédération Internationale de Sumo fait volte face sous la pression et commence à parler mixité. En parallèle du sumo traditionnel sacré, elle encourage désormais la pratique féminine, doucement, mais sûrement. Un bon point pour les femmes Sumotoris qui même si elles sont encore loin de pouvoir fouler le Dohyô, elles s’y dirigent. À une certaine époque, le judo et le karaté avaient des relations similaires avec le sexe, mais le fait qu’ils aient surmonté ces problèmes signifie qu’il y a espoir que le sumo leur emboîte le pas.
Les sumos ont besoin de suivre un régime très spécifique pour atteindre leurs chiffres, et un nombre de calories de 20 000 par jour fait en sorte que les Sumotoris mangent dix fois plus que l’homme moyen. Le repas le plus célèbre que ces lutteurs consomment est connu sous le nom de Chankonabe, qui est un énorme ragoût rempli de poisson, de fruits de mer, de légumes, de champignons et de tofu. Une nourriture, spécialement étudiée dans les Heya qui fait rapidement prendre du poids : la moyenne se situe autour de 140 kg, mais certains Sumotori peuvent dépasser 200 à 220 kg. Il n’y a pas de catégorie de poids. Les combats (Torikumi) ont lieu sur une aire circulaire (Dohyō) symbolisant le ciel, laquelle est délimitée par une grosse corde de paille à demi noyée dans le sol comportant quatre entrées, elles-mêmes au centre d’une aire carrée symbolisant cette fois la terre. Le tout est surélevé pour les combattants.
Avant le combat, la cérémonie (Dohyō-iri) et assez rituelle. Les lutteurs sont divisés en deux camps (Est et Ouest) et défilent autour de l’anneau, accoutrés de leur tablier de cérémonie. Les Yokozuna (grands champions) sont chacun assistés chacun d’un messager (Tsuyaharai) et d’un porteur de sabre (Tachimochi).
Autour de la taille, une grosse ceinture (Tsuna) torsadée en chanvre blanc. Après un affrontement visuel, les Sumotoris s’affrontent deux à deux après s’être observés depuis leur place (Shikiri).
Le combat dure très peu de temps, les Sumotoris se précipitant l’un sur l’autre en une puissante charge.
Ils ne doivent utiliser que les 48 techniques codifiées du Kimarite. Est déclaré vainqueur, celui qui parvient à faire toucher le sol à son adversaire par n’importe quelle partie de son corps ou à le pousser hors du cercle. Les coups de poing ou de pied sont formellement interdits, mais les lutteurs peuvent cependant s’aider en saisissant la ceinture (Mawashi) de leur adversaire afin de le faire basculer ou de l’entraîner dans leur propre déséquilibre (Uchari : mouvement sacrifice, équivalent du Sutemi en Judo).
Ils ne doivent pas se saisir du cache-sexe (Mae-tate-mitsu) de leur adversaire, ni saisir aux cheveux. Les combats sont réglés par un arbitre principal (Tate-gyoji) indiquant les points à l’aide d’un éventail (Gumbai), assisté de juges-arbitres (Gyoji), tous en tenue traditionnelle.
Le sumo est noté en combats, et chaque combat peut être remporté de cinq façons :
*Un sumo gagne lorsque son adversaire sort du ring.
*Un sumo gagne lorsque son adversaire touche le sol avec une partie du corps autre que la plante de ses pieds.
*Un sumo gagne si son adversaire utilise une technique illégale.
*Un sumo gagne si la ceinture de Mawashi de l’adversaire se défait.
*Un sumo gagne si l’adversaire ne se montre pas.
*Dans le cas où le vainqueur d’un combat est incertain, par exemple lorsque les sumos semblent quitter le ring en même temps, alors le deuxième groupe de juges regardant l’anneau à hauteur des yeux peut intervenir, ou des séquences vidéo peuvent être utilisées pour déterminer le gagnant.
*À la fin d’un combat, qui ne dure généralement que quelques secondes, un arbitre déclarera la technique gagnante ou le Kimarite.