RUNNING MARATHON DE BERLIN 2025 : Le silence des lièvres, l’écho d’un champion libre.

RUNNING MARATHON DE BERLIN 2025 : Le silence des lièvres, l’écho d’un champion libre.

Ce matin-là, Berlin ne ressemblait pas à une ville. C’était un théâtre incandescent, une scène tendue où chaque pas brûlait, chaque souffle comptait. Et sur cette scène, un homme s’est dressé face à l’histoire. Sabastian Sawe, 30 ans, trois marathons, trois victoires. Mais ce 21 septembre 2025, il n’a pas seulement gagné. Il a affronté le feu, la solitude, le doute. Et dans cette lutte, il a gravé son nom dans la légende. Par Khalad

Le coureur et le feu

À 10h, Sabastian Sawe franchit la ligne d’arrivée. 2h02’16. Neuvième chrono de tous les temps. Un temps qui claque comme un coup de tonnerre dans le ciel lourd de Berlin. Mais ce chiffre, aussi impressionnant soit-il, ne raconte pas l’essentiel. Car Berlin, ce jour-là, n’était pas une piste. C’était un piège. 21 degrés, 65 % d’humidité. L’air épais, collant, presque hostile. Et pourtant, Sabastian Sawe avançait. À mi-course, les bases du record de Kelvin Kiptum semblaient à portée. Mais au 24ᵉ kilomètre, les lièvres disparaissent. Ne restent que lui, son souffle, ses jambes, et cette voix intérieure qui murmure :  „Encore, encore“, il vacille. perd du temps, mais ne cède pas. Parce que pour lui, courir n’est pas une démonstration, c’est une épreuve, une traversée, une manière de dire au monde : „Je suis là, et je tiendrai.“

Photos : © SCC EVENTS/Marathon de Berlin/Kbsp/DR

Rosemary Wanjiru, l’art du fil tendu

Pendant que Sabastian Sawe affrontait ses démons, une autre silhouette fendait l’horizon. Rosemary Wanjiru. 2h21’05. Trois secondes d’avance sur Dera Dida. Trois secondes volées dans les derniers mètres, après 42 kilomètres de combat. Rosemary Wanjiru ne court pas, elle danse. Elle mène, elle doute, elle relance. Et dans les derniers hectomètres, elle s’arrache. Le cœur au bord de l’explosion, les jambes en feu. Elle franchit la ligne, et sourit. Un sourire qui dit : „ J’ai souffert. Mais j’ai tenu. “ À 30 ans, elle connaît la douleur des rêves trop grands. Elle sait ce que c’est que de frôler la victoire, de la voir s’échapper. Mais cette fois, elle l’a saisie. Et dans ce sprint final, elle a offert au marathon l’un de ses plus beaux visages : celui de la grâce en apnée.

Les autres, ceux qui ne lâchent rien

Derrière les géants, il y a ceux qui avancent sans bruit. Akira Akasaki, le Japonais, second en 2h06’15. Chimdessa Debele, le coureur éthiopien, 3ᵉ. Et Hassan Chahdi, le champion français, 7ᵉ en 2h07’43. Hassan Chahdi ne court pas pour la gloire. Il court pour exister. Pour montrer que la France, même discrète, est là. Que l’endurance est une forme de courage. Que résister, c’est déjà gagner. Dans ce concert de titans, il joue sa propre mélodie. Une mélodie faite de régularité, de ténacité, de dignité. Et son nom, ce jour-là, résonne comme une promesse : celle d’un coureur qui ne lâchera jamais.

Photos : © SCC EVENTS/Marathon de Berlin/Kbsp/DR

Marcel Hug et Manuela Schär, maîtres incontestés du bitume berlinois

Les athlètes handisport suisses Marcel Hug et Manuela Schär ont une nouvelle fois marqué de leur empreinte le marathon de Berlin en fauteuil roulant, s’imposant respectivement pour la 10ᵉ et la 7ᵉ fois sur le parcours allemand. Une domination sans partage qui confirme leur statut de références absolues dans la discipline. Dans les rues de la capitale allemande, Marcel Hug, a livré une performance magistrale. En tête du début à la fin, il a relégué son plus proche poursuivant, le coureur britannique David Weir, à plus de six minutes. De son côté, chez les femmes, sa compatriote Manuela Schär, n’a laissé aucune chance à ses concurrentes. Elle a franchi la ligne d’arrivée avec plus de cinq minutes d’avance sur les deux rivales britanniques Jade Hall et Eden Rainbow Cooper, consolidant ainsi son palmarès déjà impressionnant.

Photos : © SCC EVENTS/Marathon de Berlin/Kbsp/DR

Berlin, la ville qui fait tomber les murs

Pourquoi Berlin ? Parce que c’est ici que les records se brisent. C’est ici qu’Eliud Kipchoge a gravé son 2h01’09 dans le bitume en 2022. Ici que les rêves prennent feu. Mais Berlin, c’est aussi une foule qui pousse, des pavés qui résonnent, une ville qui respire au rythme des coureurs. C’est un lieu où l’on ne vient pas pour battre les autres, mais pour se battre soi-même. Chaque coureur, du premier au dernier, y écrit une histoire. Une histoire de sueur, de silence, de dépassement. Une histoire qui dit : „Je suis allé au bout.“

Et après ?

Sebastian Sawe a 30 ans. Trois marathons. Trois victoires. Il pourrait s’arrêter là. Mais il ne le fera pas. Parce que les vrais champions ne cherchent pas la fin. Ils cherchent le sens. Un jour, peut-être, il franchira la barrière des 2 h. Ou probablement pas. Ce n’est pas le chrono qui compte. C’est le chemin. C’est le souffle. C’est cette course invisible que l’on mène contre ses propres limites, il y avait de la sueur, du feu, du silence. Et surtout, une forme de poésie. Celle qui naît quand le corps flirte avec l’absolu.

Photos : © SCC EVENTS/Marathon de Berlin/Kbsp/DR