Il y avait chez Chris Rea quelque chose de profondément humain, presque familier. Né en 1951 dans une famille italo-irlandaise, il grandit dans un café de quartier où les accents se mêlaient et où l’on apprenait vite à observer les autres. Il disait souvent qu’il avait commencé sa vie à l’étranger. Peut-être est-ce pour cela que ses chansons ont toujours eu ce parfum de solitude douce, cette façon de parler à ceux qui ne se sentent jamais tout à fait à leur place.



Avant d’entrer dans la lumière, Chris Rea a connu les détours. Les petits boulots, les journées à l’usine de glaces de son père, les rêves de journalisme qu’il range dans un coin de sa tête. À 22 ans, il rejoint Magdalene, un groupe où avait brièvement chanté David Coverdale de Deep Purple. Une première porte s’ouvre. Sa carrière solo démarre en 1974, mais c’est en 1978 que tout bascule avec „Fool (If You Think It’s Over)“. Le morceau grimpe dans les charts américains, décroche une nomination aux Grammy Awards et révèle au monde cette voix grave, légèrement voilée, qui semble porter la fatigue et la beauté des longues routes nocturnes.
La fin des années 1980 installe Chris Rea parmi les figures incontournables du rock britannique. „Dancing With Strangers“, „New Light Through Old Windows“, puis „The Road to Hell“ deviennent des repères pour toute une génération. Les albums se succèdent, les ventes explosent, mais Chris Rea reste fidèle à son allure de musicien modeste, presque timide. C’est aussi à cette époque qu’il enregistre „Driving Home for Christmas“, une chanson née presque par hasard, devenue un classique mondial. Une mélodie simple, sincère, qui ressemble à un sourire discret au coin des lèvres.
Au début des années 2000, après avoir frôlé la mort, le chanteur décide de revenir à ce qui l’a toujours nourri : le blues. „Dancing Down the Stony Road“ marque ce virage. Sa musique devient plus rugueuse, plus dépouillée, comme si chaque note devait désormais dire l’essentiel. Il ne cherche plus le hit, il cherche la vérité.







La vie lui impose des épreuves lourdes. Un cancer du pancréas en 2001, une opération qui bouleverse son quotidien, un AVC en 2016, puis un malaise sur scène en 2017. À chaque fois, il revient. À chaque fois, il reprend sa guitare. Comme si la musique était la seule manière de tenir debout.
Chris Rea laisse derrière lui son épouse Joan, rencontrée à 17 ans, et leurs deux filles, Josephine et Julia. Il laisse aussi des millions d’auditeurs qui ont roulé, rêvé, espéré en écoutant sa voix. Plus de 30 millions d’albums vendus, 25 albums studio, et une empreinte qui ne s’effacera pas.


Et puis il y avait cette autre passion, moins connue mais tout aussi brûlante: les voitures. Les circuits, l’odeur d’essence, les moteurs qui vibrent. Chris Rea pilotait des Ferrari et des Lotus comme d’autres jouent de la guitare, avec précision et instinct. En 1995, il rejoint même l’équipe Jordan en Formule 1 comme mécanicien, pour s’occuper du pneu arrière droit du pilote nord-irlandais Eddie Irvine. La route, pour lui, n’était pas qu’une métaphore. C’était un terrain de jeu, un refuge, une manière de sentir le monde. Aujourd’hui, Chris Rea n’est plus là, mais quelque part, dans un virage imaginaire, on peut encore entendre le ronflement d’un moteur et une guitare qui s’accorde. Une dernière route à parcourir, sans fin.



