Par Zoé Bontems
Retourner dans les musées, c’est essentiel. L’exposition „À l’eau, le Bourget ?“ doit ouvrir ses portes au public le 19 mai au musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye. Cette exposition temporaire, au parcours ponctué d’objets tous plus surprenants les uns que les autres, ne manque pas de lever le voile sur les trésors lacustres insoupçonnés du Lac du Bourget. Des pièces uniques datant de l’âge du bronze seront exposées à la réouverture tant attendue des musées. Le lac du Bourget est une véritable richesse culturelle pour les passionnés du patrimoine français. Les archéologues y ont retrouvé des poteries, des graines, des tissus, mais aussi de nombreuses pièces en bronze comme des armes et des bijoux. Ces objets n’ont pas vu la lumière du jour depuis presque 30 ans. S’ils sortent enfin de l’ombre, c’est en partie grâce au travail de Lisa Delorme, aujourd’hui régisseuse au Muséum national d’Histoire naturelle. En 2018, la jeune étudiante en Master de muséologie à l’école du Louvre rédige un mémoire sur cette collection. Elle cherche alors à retracer le contexte de la découverte de ces pièces. Ses recherches la mènent à un homme : Laurent Rabut. Ce professeur de dessin passionné d’archéologie a fouillé le site pour la société savante dont il faisait partie : la Société savoisienne d’histoire et d’archéologie (SSHA). Cette association de scientifiques et d’érudits passionnés par l’histoire lui a permis la découverte de pièces dans le lac du Bourget en 1862. Il présentera son rapport au concours des sociétés savantes du second Empire de Napoléon III. Cela lui permettra d’obtenir une subvention pour continuer ses fouilles et découvrir d’autres pièces, exposées aujourd’hui au musée d’Archéologie nationale.
Ces objets particuliers permettent aux historiens de contextualiser la vie des hommes de cette époque. Notamment grâce à des éléments rares conservés grâce à l’eau. On y retrouve des fibres comme des cordes ou des tissus, habituellement détruits avec le temps, mais aussi des graines et des fruits. Ceux-ci ont été conservés par chance, puisqu’ils ont été carbonisés dans un incendie. Leur découverte offre des indices sur le régime alimentaire des habitants des berges du lac. Ils permettent aussi de mieux comprendre quel genre d’hommes ils étaient : plutôt des cultivateurs ou des cueilleurs. „C’est très émouvant, car on a un lien direct avec la vie quotidienne de cette époque“, explique Lisa Delorme. Les recherches ont également permis d’établir un plan des habitations, que l’on sait aujourd’hui construites sur les berges avec des pilotis pour faire face à la fluctuation du niveau de l’eau. Mais au XIXe siècle, le mythe d’une cité lacustre flottant au milieu du lac était très populaire.
Planche de dessins d’objets du lac du Bourget par Laurent Rabut, publiée dans la revue Sabaudia en1872 Dans les années 1850, la recherche de pièces archéologiques était très à la mode. Des pêcheurs furent engagés pour fouiller les lacs grâce à des pinces et des dragues artisanales. Dès lors, tout un commerce autour des fouilles s’est forgé jusqu’aux années 1900. Le lac du Bourget reverra les archéologues s’intéresser à lui en 1980, accompagnés d’une technologie de plongée autonome et de protocoles scientifiques plus rigoureux. Il existe de nombreuses collections provenant du lac du Bourget à travers le monde. La collection personnelle de Laurent Rabut est aujourd’hui conservée au British Museum. Pourquoi en Angleterre? Parce que le musée d’Archéologie nationale français n’avait à l’époque pas les moyens de lui racheter. C’est le musée savoisien à Chambéry qui possède le plus grand nombre de pièces provenant du lac du Bourget, plus de 5 500…
Au-delà de cette exposition, Lisa regrette le manque de visibilité du patrimoine archéologique des lacs savoyards. Elle a grandi 15 ans près de ce lac sans en connaître la richesse historique, qui selon elle, est peu valorisée: „Le danger, c’est que moins on a connaissance de son patrimoine et plus il est difficile de le protéger.“ Pour la jeune femme, une meilleure communication autour du lac du Bourget permettrait aux habitants alentours de mieux se l’approprier et ainsi, d’être plus prudents. Pourtant, même si le pillage des sites archéologiques est interdit par la loi, certains n’hésitent pas à se créer des collections personnelles dans leur garage ou à commercialiser ce qu’ils trouvent. Les détecteurs de métaux sont parfois utilisés dans ce but, alors que leur utilisation à des fins de recherches archéologiques est illégale. Seuls les professionnels de l’archéologie en ont le droit, grâce à des autorisations spéciales. „Le problème, c’est qu’en retirant ces objets du sol, même s’ils viennent les rapporter au musée très rarement, ces personnes détruisent des informations autour. Les fouilles nécessitent un protocole précis qui doit être appliqué pour pouvoir recueillir le plus d’éléments possibles sur l’objet et son contexte.“ Précise Lisa. Le lac du Bourget est encore épargné du pillage moderne, mais ce n’est pas le cas du lac voisin d’Aiguebelette, un autre lac savoyard abritant également de nombreux sites archéologiques.