De nombreux psychologues du sport, ont récemment constaté une augmentation considérable du nombre de sportifs les contactant pour obtenir de l’aide concernant l’anxiété liée aux performances pendant la pandémie. Avec autant de différences dans les vies, beaucoup sont vraiment au bord de l’anxiété et certains environnements les poussent encore plus proche du bord. Le fait qu’ils se retrouvent dans un endroit auquel ils sont guère habitués, en étant de plus entourés de personnes qui les ennuient, avec de surcroît l’épée de la pandémie au-dessus de leurs têtes.
Techniquement, l’anxiété peut affecter les performances en déclenchant ce que l’on appelle un détournement de l’amygdale. Les parties primitives du cerveau se court-circuitent, contournant les zones plus rationnelles et inondant le corps d’hormones de stress. Ce dernier peut être dans certains cas bénéfique, mais dans d’autres cas, cela peut entraîner une réaction de combat, de fuite ou de gel. Les athlètes peuvent paniquer et prendre de mauvaises décisions, ou se concentrer un peu trop sur des compétences trop faciles ou automatiques. Mais en plus d’affecter leurs performances, l’anxiété a également un impact émotionnel, qui commence désormais à être reconnu, car la pandémie du Covid-19 a mis en évidence de graves problèmes sous-jacents.
Lorsque le coronavirus a fait son apparition, peu de gens pouvaient imaginer l’ampleur que prendrait la pandémie. Pour les athlètes dont le programme d’entraînement devait atteindre son apogée à l’orée de l’été 2020, le retard a été un coup dur. Certains ont dû s’entraîner sans avoir accès à l’équipement ou aux installations, sans parler de la possibilité d’être contaminé avec des effets à long terme potentiellement handicapants d’un retour trop rapide à l’action.
Il y a tout juste deux mois que le monde sportif eut la certitude définitive que les Jeux auraient lieu en 2021. Imaginez le stress psychologique qu’ont subi, les candidats qualifiés pour le Japon. Bien sûr, certains athlètes s’épanouissent dans cette situation et relèvent même le défi sans sourciller, mais pour d’autres, cela peut avoir un impact sur leur bien-être. Toutefois, le public absent change quelque peu la donne et permettra sans doute une compréhension plus approfondie du phénomène social dans lequel la performance d’une personne change lorsque d’autres sont autour. De manière générale, les grands sportifs ont tendance à mieux performer avec une foule que lorsqu’ils sont seuls mais ce n’est toujours pas la règle.
L’environnement de ces Jeux reportés est loin de ce à quoi les athlètes s’attendaient. Le village olympique dans lequel ils ont été placés à leur arrivée est digne d’un camp de rétention et la non-présence du personnel de soutien à leurs côtés, noircie un tableau qui devrait normalement idyllique. Un endroit cloisonné où les athlètes peuvent être distraits par la situation en se posant des questions légitimes sur leurs rivaux d’autres pays: „Ont-ils suivi les mêmes règles strictes, et leur entraînement a-t-il été affecté ?“ Une porte ouverte à la possibilité que les pensées négatives deviennent incontrôlables, et là, c’est le niveau d’aptitude de l’athlète à gérer ces pensées qui entre en compte. Pour certains, l’ensemble du tournoi est bien différent de ce à quoi ils sont habitués. Souvent, ils ont quelques membres de la famille qui font le déplacement pour les encourager en live, afin de leur faire oublier leurs angoisses.
Quant aux médias sociaux, c’est le Yin et le Yang. Ils réduisent cette distance en permettant aux athlètes olympiques de rester en contact avec leurs amis et leur famille restés à la maison, mais peuvent aussi aggraver les choses quand on connaît leurs potentialités. Il faut savoir que les athlètes sont connectés à un flux continu de commentaires et d’abus de la part du grand public. Une situation sans précédent lors de ces J.O, pour les vedettes, qui pour les réseaux sociaux doivent être toujours présents. En plus du poids de toute une nation pendant la compétition, ils doivent être des „citoyens modèle“ le reste du temps. Alors qu’auparavant, ils pouvaient aller dans une chambre d’hôtel et débrancher leur téléphone après une défaite cuisante, aujourd’hui, les gens les taguent sur les médias sociaux, critiquent leurs performances, voire les bombardent d’injures racistes.
Il faut dire que pour certains, leur gagne-pain est également lié à leur présence en ligne. Les médailles font peut-être les gros titres, mais ce sont les sponsors qui paient l’hypothèque. Un cycle horrible avec les réseaux sociaux qui écrasent tout en quelques mots ou juste une phrase. Cela retire toute personnalité au sportif qui paie en quelque sorte cette addiction. Et cela peut être ressenti comme une pression suite aux commentaires désagréables qui restent toujours dans l’esprit, même les commentaires positifs sont plus abondants.
Toutefois, il ne faut pas cracher sur tout!! L’un des avantages potentiels des médias sociaux est qu’ils peuvent permettre aux athlètes de contrôler leur propre histoire. Le fait que l’icône de la gymnastique Simone Biles ait été franche et honnête sur les défis auxquels elle a été confrontée est pour le moins assez rafraîchissant. Par le passé, beaucoup de champions confrontés à des problèmes de santé mentale pouvaient feindre une blessure physique ou inventer une autre excuse. Jusque très récemment, l’organisation de la science du sport autour des athlètes donnait la priorité à la performance. Selon elle : „Si vous faisiez vraiment bien, vous surviviez, et si vous ne faisiez pas bien, vous partiez. C’était en fait le processus d’entraînement trop axé sur les résultats qui avait tendance à diminuer le rôle du bien-être.“
Mais tout cela commence enfin à changer. Les Jeux olympiques de Tokyo sont particulièrement compliqués, mais ils pourraient s’avérer être un tournant dans la façon dont on parle de la santé mentale des athlètes, et dans la façon de gérer nos propres vies. Les discussions ouvertes sur la santé mentale conduiront de toute façon à de meilleures performances sur le long terme. L’objectif premier du sportif est d’abord le bien-être et la performance ensuite. Un athlète bien dans sa tête et dans son corps est plus susceptible de réaliser de meilleures performances, sans s’inquiéter d’être jugé ensuite.