C’est dans le calme qu’il est parti, comme il a vécu. Sans fracas, sans mise en scène. Giorgio Armani, que ses collaborateurs appelaient toujours “Monsieur Armani” avec une déférence presque affective, s’est éteint entouré des siens. Il avait demandé que ses funérailles soient discrètes, quasiment invisibles, à l’image de ses créations, qui ne criaient jamais, mais imposaient leur présence avec une élégance tranquille. Né à Piacenza, dans le nord de l’Italie, Giorgio Armani n’était pas destiné à la mode. Il avait commencé des études de médecine, avant de bifurquer vers l’armée, puis vers les vitrines du grand magasin milanais La Rinascente. C’est là, au milieu des étoffes et des silhouettes, qu’il a compris que son regard avait quelque chose à dire.

Dans les années 60, il entre chez Nino Cerruti et commence à dessiner des vêtements pour hommes. Mais c’est sa rencontre avec Sergio Galeotti, son complice de toujours, qui change tout. Ensemble, ils fondent Armani SpA en 1975. Une première collection, puis une deuxième, et très vite, le monde entier s’arrache ses vestes de costume déconstruites, un geste audacieux à l’époque, presque irrévérencieux. Giorgio Armani ne suit pas les tendances. Il les devine, les précède, puis les dépasse. Son style est une conversation entre le corps et le tissu, entre le mouvement et la retenue. Il habille les hommes comme des femmes, les femmes comme des hommes, sans jamais trahir leur essence. Il simplifie, il épure, il respire.
De Giorgio Armani Privé à Emporio Armani, en passant par les parfums, les accessoires, les cosmétiques et même les hôtels, le créateur a bâti un empire sans jamais vendre son âme. Sa fortune, estimée à près de 9,5 milliards d’euros, ne l’a jamais détourné de son indépendance. Il est resté maître à bord, refusant les compromis, les rachats, les fusions. Un oiseau rare dans une industrie souvent féroce. Et pourtant, derrière cette rigueur, il y avait une tendresse. Une vulnérabilité discrète, surtout depuis la disparition de Sergio Galeotti en 1985. Le styliste italien n’a jamais eu d’enfants, peu d’amis en dehors de son cercle professionnel. Mais ces dernières années, une jeune fille, la fille d’une ancienne collaboratrice, lui a offert une forme d’amour inattendue. Une lumière douce dans un monde de lignes droites.
:L’héritage d’un regard
Giorgio Armani n’était pas un excentrique. Il était un révolutionnaire silencieux. Il a redéfini la mode sans jamais hausser le ton. Il a prouvé que la beauté n’a pas besoin de bruit pour exister. Et aujourd’hui, alors que ses ateliers se taisent, que ses mannequins rangent leurs talons, le monde de la mode perd plus qu’un créateur. Il perd un regard. Une manière de voir. Mais son empreinte, elle, reste. Dans les coupes, dans les textures, dans les gestes. Dans cette idée folle que l’élégance peut être simple, et que la simplicité peut être grandiose. Giorgio Armani s’en est allé. Mais son style, lui, ne vieillira jamais.