Angélica Liddell, en véritable prêtresse du théâtre, se donne corps et âme, livrant un jeu viscéral et bouleversant. Son corps devient un instrument d’expression, tantôt fragile, tantôt puissant, toujours habité par une force brute et magnétique. Ses monologues poignants, déclamés avec une ferveur quasi mystique, résonnent comme des hymnes à la vie et à la mort, à l’amour et à la solitude. Face à elle, Elin Klinga, actrice ayant collaboré avec Bergman, auréolée d’une aura mystique, incarne la figure du prêtre, Drapée dans une aube, ornée d’une étole et accompagnée par une violoncelliste, Elin Klinga apporte une profondeur spirituelle au spectacle. Sa présence intense et sa maîtrise scénique rendent l’expérience encore plus immersive et émouvante. Un contrepoint spirituel à la fougue d’Angélica Liddell. Les autres comédiens, bien que présents, restent silencieux, incarnant par leurs mouvements et leurs expressions la profondeur de leur propre tourment intérieur. Ce choix artistique renforce le sentiment d’isolement et de dialogue intérieur, thématique centrale chez le metteur en scène suédois, incarnant par leurs mouvements et leurs expressions la profondeur de leur propre tourment intérieur.
“Dämon, el Funeral de Bergman” doit être salué pour son audace et sa profondeur. La mise en scène d’Angélica Liddell est à l’image de sa performance : audacieuse, inventive, dérangeante. Elle parvient à transformer la cour d’honneur du Palais des Papes en un espace de confrontation brutale et cathartique avec la mortalité et l’art. Elle ne se contente pas de rendre hommage à Ingmar Bergman ; elle interroge la manière dont les démons intérieurs façonnent nos vies et notre art. Elle utilise tous les registres pour créer une atmosphère oppressante et envoûtante : jeux de lumière et d’ombre, musique lancinante, ruptures de ton brutaux qui forcent le spectateur à confronter ses propres peurs et désirs. Sa capacité à créer des images théâtrales inoubliables et à évoquer des émotions profondes est impressionnante. Cependant, la pièce n’est pas sans controverses. Les images provocantes et les thèmes sombres peuvent être dérangeants pour certains spectateurs. L’approche directe et crue d’Angelica Liddell, bien que cathartique pour certains, peut sembler excessive et choquante pour d’autres. La quête de la vérité et de la beauté artistique peut être mal comprise ou difficile d’accès pour certains spectateurs. L’intensité de l’exploration psychologique peut parfois paraître hermétique. Certains spectateurs pourraient se sentir perdus face à la densité des dialogues et à la complexité des thèmes abordés. La pièce exige une attention soutenue et une ouverture à l’interprétation, ce qui pourrait en rebuter quelques-uns. Mais pour ceux qui se laisseront emporter par la puissance du spectacle, l’expérience sera inoubliable. Angélica Liddell ne se contente pas de rendre hommage à Ingmar Bergman. Elle s’en empare, le dissèque, l’exorcise, pour mieux explorer ses propres failles et questionner la nature de l’art et de la création. Sa pièce est une réflexion profonde sur la condition humaine, sur nos peurs, nos désirs, nos contradictions. Une œuvre d’une rare intensité qui marque durablement les esprits et inaugure brillamment le Festival d’Avignon.