Miuccia Prada a remanié les bases de l’habillement quotidien pour créer une nouvelle appréciation de la mode féminine, libérée des restrictions auxquelles elle est si souvent confinée. Les vêtements font écho aux principes de la mode masculine avec une touche subversive et séduisante. Une réaction et un reflet de la réalité, une économie, une fraîcheur que l’on retrouve dans les itérations de vêtements éternels et universels.

Par Khalad

Aux côtés de la réalité, du fantasme, les espaces physiques et virtuels du spectacle Miu Miu sont ponctués d’œuvres de l’artiste Meriem Bennani, dont l’œuvre explore les relations intimes véhiculées par la caméra. Ici, cette idée fait écho et se chevauche avec une autre interrelation, entre les femmes et la mode. Parallèlement à la collection, la cinéaste multimédia marocaine a pris le contrôle de la diffusion en direct du défilé Miu Miu via une série d’interventions artistiques cinématographiques mettant en vedette sa propre mère. Ces séquences fantastiques sont mixées en temps réel dans la diffusion du spectacle pour brouiller les frontières entre virtuel et réel.

Photos : Imaxtree/Miu Miu/Gorunway.com/Getty Images

L’espace d’exposition souligne parfaitement les idées de la collection. L’intérieur du Palais d’Iéna est plutôt interrompu que transformé. Son architecture demeure, une piste bien conçue par les designers d’AMO, serpentant à travers le centre, le public en équilibre sur des chaises de bureau. Un espace qui répond comme un écho de la fonction continue du Palais : un lieu de travail. Comme dans un lieu de tournage, Meriem Bennani y a installé des écrans en forme de jumelles pour découper l’espace, reformant et rééditant l’expérience physique du spectacle et projetant ses films dans la vie réelle. À l’instar des vêtements de la collection, ces coupes filmiques créent une nouvelle œuvre – éditant la réalité, altérant les perceptions.

Ciseaux magiques

Pour le printemps-été 2022, Miuccia Prada prend les classiques de la garde-robe comme base. Pantalons, pulls, chemises, blazers, costumes et robes fourreau, archétypes absolus de la tenue vestimentaire de tous les jours. Ce qu’elle a fait pour cette collection, c’est de prendre des ciseaux sur ces vêtements robustes, de les découper pour que les proportions semblent fraîches et nouvelles. Un nouvel équilibre des proportions est trouvé à travers la découpe en morceaux, mais en conservant le caractère crédible de chacun, tout en modifiant leur relation avec le corps. Les pantalons découpés deviennent des jupes abrégées, et les pulls et les chemises découpés révèlent le corps.

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Les bords sont laissés bruts, les éléments de construction exposés en commémoration de la spontanéité de ces actions. Les manteaux Caban ont des ourlets déchiquetés, comme s’ils étaient coincés dans une portière de voiture et arrachés. Les costumes sont eux tranchés au niveau du ventre, avec les poches visibles. „Plutôt que d’essayer d’inventer à nouveau, nous voulions célébrer et élever ces archétypes universels de l’habillement“, a déclaré Muiccia Prada. Il y avait, inévitablement, un sens du sexuel, mais cette grande exposition de la peau et la brutalité des vêtements découpés, suggère plutôt la passion. Les jupes de Miu Miu étaient peut-être les plus courtes de cette fashionweek parisienne, mais il n’y avait pas une once d’exploitation ou d’inconvenance. L’idée de retravailler des pièces existantes s’étend aussi à une collaboration avec l’équipementier américain New Balance dont la basket sneaker 574 est reproposée en denim blanc, kaki ou bleu, avec des bords bruts. À noter que les broderies qui complètent la décoration des tenues de nuit, embellissent les robes et les costumes. Le langage esthétique de la tenue de jour et de soirée donne un sens dans la vie. Antidote aux nouveautés dénuées de sens, cette collection Miu Miu examine les réalités fondamentales de l’habillement, les besoins et les désirs des gens à partir de leurs vêtements. Une belle focalisation sur la réalité.

„Je m’intéresse aux objets du quotidien, je veux donner un pouvoir et une valeur à des choses qui passent généralement inaperçues. Pour cette collection, il n’y a pas d’invention inutile, pas de mode, il s’agit de classiques, de vêtements qui permettent de penser à de plus grandes choses. Les vêtements font partie de la vie, pas le sens de la vie. Pour moi, refléter la vie est un instinct de base. Je ne sais pas si cela reflète ce qui se passe dans la rue aujourd’hui, mais, dans 6 mois, j’ai l’impression que tout le monde voudra peut-être ressembler à ça. “ , précise Miuccia Prada à l’issue du défilé.

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