Des persécutions des sorcières, qui n’étaient en réalité qu’un prétexte misogyne pour éliminer les femmes, aux publicités des années 1950 qui promouvaient et imposaient les valeurs patriarcales du milieu du XXe siècle, Christian Dior a tout couvert. Dans cette convergence ouverte à de multiples interprétations, Maria Grazia Chiuri poursuit son exploration de la relation entre féminité et féminisme, animée par la conviction que la mode a, plus que jamais, la responsabilité d’aider les femmes à prendre conscience de leur valeur et à exprimer leurs différences.
Elle porte donc son attention sur tous les rebelles qui ont affirmé leur indépendance face à un monde masculin et contesté son système. Ses nouvelles créations pour Dior dévoilent un style médiéval, une silhouette architecturale, où la veste est de mode masculine. Une collection destinée à promouvoir l’activisme féministe à travers des vêtements récupérés qui trouvent un équilibre juste entre les codes féminins et masculins traditionnels. Certains tissus témoignent d’une matérialité, d’une mémoire du temps et d’une connaissance approfondie de l’œuvre de l’artiste italien Alberto Burri ; déchirures, lacérations et combustions deviennent un élément constitutif du vêtement. L’œuvre monumentale et immersive „Not Her“ de l’artiste visuelle italienne Elena Bellantoni, perpétue ce refus de tous les clichés qui enferment les femmes dans des catégories prédéfinies. L’installation vidéo, qui occupe tous les murs de la scénographie du spectacle, utilise le dispositif analogique du split-flap : on y voit une succession de figures féminines (dont l’artiste elle-même) retravaillées dans un esprit pop, à partir d’images issues de publicités sexistes et des phrases en contrepoint pour répondre au stéréotype dominant : “ Ce n’est pas elle, elle n’est plus tout ça“.
Les couleurs sont celles du frêne, de la camomille et des philtres d’amour. Les Mille-fleurs, emblématique de Dior, se transforme en un motif sombre, une radiographie florale contrastée qui transmet la science des plantes en respectant le temps de la nature.
Phases de la lune, soleils annonçant les saisons, herbes médicinales et animaux fantastiques font tous partie de ce motif emblématique, et parfois aussi de la broderie. La maille joue un rôle formidable : elle accompagne et caresse les courbes du corps, enveloppante sans serrer, elle est chaude, sexy. Un pull métallique très léger fait allusion à la cotte de mailles. La collection est principalement restée entre une palette de noir et de blanc, avec d’étranges couleurs blanc cassé, crème et gris. Les deux couleurs opposées étaient utilisées en évidence sur les numéros de dentelle, et même si ces vêtements étaient similaires dans leur construction et leurs silhouettes, la différence de nuances faisait une différence marquée. De la dentelle blanche utilisée sur des robes à col mi-hauteur et à manches longues et sur une chemise à fleurs à manches amples et sa jupe assortie. Ces looks dégageaient une énergie très conservatrice, en fait le type de look porté par les descendants d’aristocrates lors des banquets festifs. De la dentelle noire également présente sur les trois looks finaux, une combinaison de robes à manches longues et courtes avec de lourds ornements vers le haut, de la poitrine jusqu’au col et à l’inverse de la dentelle blanche, celle de couleur noire a retourné l’écriture sur la tête, dégageant une ambiance gothique. Une robe digne d’un enterrement, ces looks pourraient être dérivés de la sorcellerie, une source d’inspiration propre à Maria Grazia Chiuri.
Récupéré par diverses maisons de luxe. Le denim était bel et bien présent sur ce défilé Christian Dior printemps-été 2024 sous la forme de vestes, jupes et shorts. Chaque pièce en denim, qu’elle soit de couleur bleue délavée ou crème, présentait des bords teintés de marron, comme si le tissu avait été brûlé à ses extrémités. Un détail peut être interprété comme une sorte de rébellion pour les femmes désirant rompre avec les codes de conduite qui leur sont imposés. Christian Dior est et reste toujours une référence en matière d’accessoires. Si son sac Saddle n’a plus de secret, les escarpins plats perlés du défilé sont vraiment inédits. De face, les perles semblent retenues par une sorte de système de laçage, mais l’arrière révèle que les chaussures plates adoptent en réalité un style gladiateur. Cette nouvelle collection femme Christian Dior printemps/été 2024 restitue ainsi l’idée que la relation corps/vêtement s’inscrit dans le contexte de l’époque et non dans le temps d’un jour ou d’une nostalgie.