Il y a quelque chose de fascinant à observer la danse de loin, où tout semble si facile. Mais vivre le ballet de près, voir les perles de sueur, la veine de l’endurance et la chaleur des corps des danseurs est encore plus captivant. La création émouvante de MacMillan pour le Royal Ballet, devenue un classique intemporel du répertoire de La Scala depuis 1994, tire le meilleur parti de cette proximité.
Les spectateurs sont ainsi plongés dans une expérience immersive, où chaque mouvement et chaque émotion sont palpables.
Pour ceux qui se souviennent des décors théâtraux d’autrefois, „L’histoire de Manon“ offre le même frisson en dépouillant la motivation humaine jusqu’à son essence. Dès le début, une société construite sur l’avidité et enveloppée de misères est représentée. Mais il y a plus dans cette histoire. Aristocrates fous, marchands excentriques, voleurs et mendiants capricieux : bien que le ballet se déroule dans la France du XVIIIe siècle, les personnages pourraient facilement refléter notre époque contemporaine. Cette richesse de personnages et de situations permet au public de se retrouver face à un miroir de la société actuelle, où les mêmes dynamiques de pouvoir et de désir sont à l’œuvre.
Manon, seize ans, aime la vie et ne peut résister à ses plaisirs. Charmante, mais troublée, elle est guidée par ses instincts. Deux hommes décident de son destin : le beau savant Des Grieux et le riche et répugnant Monsieur GM. En tombant amoureuse de Des Grieux, elle lui reste attachée, mais ne peut vivre cet amour dans la misère, tandis que les tentations d’une vie luxueuse sont à portée de main. GM, refusant de se voir privé de ses plaisirs, utilise sa richesse pour l’attirer, conduisant Des Grieux à la dégradation.
La profondeur et la complexité du personnage de Manon sont magnifiquement explorées à travers ses choix et ses dilemmes, offrant une réflexion sur la nature humaine et ses contradictions.
La virtuosité des duos est à couper le souffle, et la scène dans laquelle Manon est soulevée avec une texture de mouvement complexe est saisissante. Pour la soirée de clôture, Myriam Ould-Braham, étoile du Ballet de l’Opéra de Paris, incarne brillamment les contradictions de Manon : innocente et séduisante, réaliste, menace et victime. Elle illumine ses partenaires de danse, notamment Claudio Coviello en Des Grieux, bien que certains pas techniques semblaient moins sûrs. Christian Fagetti en Lescaut et Caterina Bianchi dans le rôle de sa maîtresse apportent également une performance remarquable. La capacité de ces danseurs à transmettre des émotions profondes et à créer une connexion avec le public est un témoignage de leur talent exceptionnel. La performance de La Scala était un mélange de vision et de myopie, simultanément expressif et superbement interprété et constituant un divertissement aventureux. À découvrir absolument. La mise en scène, les costumes et la musique contribuent à créer une atmosphère envoûtante, transportant les spectateurs dans un autre temps et un autre lieu. Chaque élément du spectacle est soigneusement orchestré pour offrir une expérience théâtrale complète et immersive. „L’histoire de Manon“ à La Scala est une œuvre magistrale qui continue de captiver et d’émouvoir, rappelant la puissance intemporelle du ballet pour explorer les profondeurs de l’âme humaine.