Après le partenariat avec la japonaise Chitose Abe de Sacai pour la collection Haute Couture Automne/Hiver 2021 de Jean-Paul Gaultier, le créateur belge Glenn Martens interprète à son tour le style de l’enfant terrible de la mode pour celle du Printemps/Été 2022. En plus d’être à la tête d’Y/Project, Glenn Martens est également directeur créatif de la marque Diesel. Déambulant dans l’atelier Jean-Paul Gaultier, où il a élu domicile en tant que couturier invité cette saison, le créateur belge est apparu cool et surtout très calme. Même lors des préparations ou l’agitation va de pair, il n’a jamais paniqué : „C’est tellement différent du prêt-à-porter, nous courons généralement encore comme des fous à ce stade avec ça. Mais cette collection est presque terminée.“, explique-t-il en passant d’une pièce à l’autre, devant des planches pleines de croquis et de maquettes, et des gens s’agitant en arrière-plan.
Dernièrement, lorsqu’il a présenté sa collection Y/Project dans un dépôt logistique près de Paris, il a offert un premier aperçu des fruits de sa collaboration avec Jean-Paul Gaultier, histoire de montrer sa satisfaction d’être à son tour le chef d’orchestre des ateliers Gaultier. Parmi l’offre typiquement Y/Project, se mêlaient des modèles en tops et minis moulants, des gilets musclés et des robes spectaculaires et fluides portant de nouvelles interprétations des pièces légendaires en trompe-l’œil du Gaultier de 1995. Si les spectacles émeutiers de l’enfant terrible de la mode étaient connus pour durer jusqu’à „pas d’heure“, Glenn Martens ramène plutôt le défilé à son essence. Exit les modes théâtraux de haut niveau et les décors élaborés, place à une passerelle étroite bordée de lourds rideaux de velours noir avec juste le public et les vêtements en exergue. „Nous voulons vraiment que la collection parle, il y a un moment et un endroit pour voir grand, mais nous voulions que cela reste très simple“, indique t-il.
Au moment où les lumières se sont éteintes et que les rythmes électroniques disparates de la bande sonore ont commencé, il était clair que le concepteur avait poussé sa vision de la maison jusqu’au bout.
Le coup d’envoi a été une série de robes wiggle, d’abord en monochrome et aussi dans un écarlate forcé. Portant également des rayures en trompe-l’œil, chacune des lignes ondulées de la pièce avait reçu le traitement de Glenn Martens à travers des panneaux de hanche articulés. Une signature en long V profond plongeant dans un body de style décontracté, dont le créateur raffole. Les célèbres Marinières de Jean-Paul Gaultier ont également fait leur entrée, mais dans une série remaniée via des deux-pièces en tricot parsemés de faux corail qui dépassaient du corps des modèles et semblaient à la fois tactiles et intouchables. Une belle robe de velours rouge et une robe de satin couleur pêche biaisée par une asymétrie désinvolte ou des hanches exagérément saillantes passent devant un public comblé. Des chutes de tissu recyclées ont été transformées en robes vrillées, recouvertes de canevas d’organza parfois enroulés autour de la tête. Il y a des tissus „Belle Époque“, des nuances victoriennes, de longs jupons de velours de style médiéval avec des colliers de perles, des coraux brodés en argent ou en grenat, des cristaux en patchwork et des broches antiques entrelacées.
Ensuite, c’est une succession de looks en tulle, portant des cristaux disposés de manière à ressembler à des cages thoraciques scintillantes. Une robe de velours noir arrachée de la même manière était associée à des boucles d’oreilles en ivoire sculpté, qui rappelaient les incroyables bijoux Kama Sutra, dans lesquels les personnages étaient déformés dans toutes sortes de positions sexuelles, apparus dans une collection Y/Project il y a 3 ans.
En fin de spectacle, le duo de robes extravagantes a fait l’unanimité. Avec un confectionné en soie duchesse couleur saphir profond, le corset serré et sculpté a éclaté au niveau des hanches, laissant place à une explosion atomique de volants qui tombaient en cascade jusqu’au sol. Le tout était extraordinaire, un moment monumental non seulement pour Glenn Martens, mais aussi pour toute la maison Gaultier. Avec le reste de ceux qui avaient les yeux rivés sur le spectacle, Jean-Paul Gaultier a applaudi la prestation de son jeune poulain avec enthousiasme en souriant tout au long. Le successeur unique du designer belge pour la prochaine collection n’a pas encore été annoncé. Mais étant donné tous les éloges que la collection de Glenn Martens a accumulés parmi la foule de la mode et bien au-delà, il est évident qu’il y aura une suite avec lui, même si l’idée de réinterprétations uniques est géniale…