Un grand nom de la musique s’éteint. Tony Allen vient de tirer sa révérence à l’hôpital Georges Pompidou de Paris. Batteur virtuose au grand cœur, il est notamment connu pour avoir créé le genre musical Afrobeat à la fin des années 60. Avec un jeu précis, aérien et inimitable, et bénéficiant d’une aura indescriptible, il jouit des suffrages du public et force le respect du milieu professionnel.
Derrière sa batterie, le battement unique, saccadé et ondoyant prend aux tripes. Fonctionnant au feeling, il est capable de créations inimitables que lui seul peut fournir avec en plus une faculté d’adaptation à tous les styles musicaux. Dans son jeu musical, Tony Allen utilise tout son corps – en présentant des polyrythmies complexes avec les quatre membres. Il était si adroit, qu’il donnait l’impression d’avoir 8 membres. A lui seul, il pouvait jouer à la place de quatre batteurs, et ce sans un regard sur ses fûts.
Tony Allen né Tony Oladipo Allen à Lagos, au Nigeria, en 1940. Il n’a commencé à jouer de la batterie qu’à l’âge de 18 ans – une passion qu’il lui vaut de persévérer dans cette voie et de fil en aiguille et au gré des opportunités à Lagos, il découvre la scène. Une rencontre au début des années 60 va changer sa vie de musicien. Avec son nouveau partenaire de route, Fela Kuti. Les deux compères jouent des prestations de jazz à l’américaine et pendant environ cinq ans, un jazz bien plus africain si bien qu’en 1969, ils forment ensemble le légendaire groupe Africa 70. Tony Allen a grandi en idolâtrant des batteurs de jazz américains tels que Gene Krupa, Art Blakey ou Max Roach. Les deux artistes se complètent parfaitement, et ce melting-pot hautement combustible était exactement la magie d’un nouveau courant musicale baptisé Afrobeat. Les cors à couches épaisses et les voix élancées sur des paroles tordues, posées sur le groove le plus profond du genre la fois inoubliable et puissant sont les fruits d‘ une fusion exubérante et en sueur de styles africains comme le highlife, le juju et le jazz américain. Selon Tony Allen : „Fela a écrit comme un chanteur, moi, j’écris comme un batteur“. Dès lors, les albums s’enchaînent, pas moins d’une trentaine albums avec Fela Kuti et Africa 70 dont les classiques „Shakara“, „Expensive Shit“, „Sorrow Tears“ et „Blood and Zombie“. Les deux ont également enregistré 3 albums sous le nom de Tony Allen : „Jealousy“ en1975, „Progress“ en 1977 et „No Accommodation“ de Lagos en 1979. Mais suite à un désaccord, les deux amis se séparent en se disputant l’argent, les crédits et les redevances.
Condamnant l’entourage parasitaire et le „militarisme“ de Fela Kuti, Tony Allen quitte dégoûté Africa 70 en 1979. Il s’installe d’abord à Londres, puis part s’installer à Paris. Vivant en France depuis une trentaine d’années, il est marié à une française et père de 3 garçons. Tony Allen était une bonne personne, aux antipodes d’un show-biz trop prenant.
Fela Kuti, décédera en 1997, mais avait précédemment déclaré : „Sans Tony Allen, il n’y aurait pas d’Afrobeat.“
Plus tard dans sa carrière, Tony Allen varie ses goûts musicaux en explorant toutes sortes de musique, de l’afrofunk au jazz américain en passant par le rap et l’électronique. Il collabore avec des musiciens tels que Damon Albarn (Blur, Gorillaz), Paul Simonon (The Clash), Simon Tong (Verve), Flea (Red Hot Chilli Peppers) et dernièrement avec le DJ américain Jeff Mills
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Son ultime album Rejoice, sorti le mois dernier, est l’aboutissement d’une collaboration avec le regretté trompettiste sud-africain Hugh Masekela, disparu en 2018. Les deux artistes avaient enregistré ensemble en 2010..
Le musicien et producteur britannique Brian Eno a déclaré : C’est peut-être le plus grand batteur qui ait jamais vécu“.
„l’un des plus grands batteurs à avoir jamais marché sur cette terre. Un homme avec un cœur massif, gentil et libre, il est et sera toujours, mon héros“. décrit également Flea avec qui il a formé le groupe Rocket Juice & The Moon.