La petite communauté Hemshin de Turquie lutte actuellement pour leur survie culturelle. Leur travail d’apiculture ainsi que la collecte de miel dans leur forêt sont en grand danger, notamment en raison des flots de touristes de plus en plus nombreux contribuant à la perte de leurs terres forestières. Leur accès au miel s’en trouve donc menacé et cela entraîne une perte de ce registre du miel.
Depuis leur arrivée dans le Rize, il y a des centaines d’années, la petite communauté Hemshin s’est installée dans divers endroits de la province, près de la ville de Camlihemsin et dans de plus petits villages plus haut dans la montagne. Cette minorité ethnique complexe originaire d’Arménie vit en grande partie de l’agriculture. Beaucoup d’entre eux choisissent de déménager en fonction de la température. Pendant les mois les plus froids, ils résident dans des villages dont l’altitude varie d’environ 100 m à environ 600 m, et dans la chaleur de l’été, ils déménagent dans leurs maisons sur des plateaux plus élevés, qui se situent à environ 2000 m.
La petite ville de Camlihemsin se trouve dans la province montagneuse de Rize, dans le nord-est de la Turquie, à l’intérieur des terres à environ 15 km de la mer Noire. Construite le long des rives de la rivière Firtina, qui traverse l’une des vallées escarpées de la province, cette petite ville LE un point d’accès clé aux montagnes Kaçkar environnantes. Ces dernières abritent également des paysans hemshins qui perpétuent une tradition apicole ancestrale.
Les arbres de la légendaire forêt de miel « Bal Ormani », ou des ruches particulières qui couvrent les pentes de la vallée environnante, dominent les colonies artificielles. Nichées parmi les châtaignes, les tilleuls et les acacias, elles sont utilisées par le peuple Hemshin depuis des générations pour élever des abeilles, bien au-dessus du sol de la forêt, hors de la portée des ours. Constituées de tronçons de rondins évidés, les ruches noires sont placées sur de petites plates-formes qui ont été fixées au tronc et aux branches de l’arbre. Contrairement aux ruches utilisées dans l’apiculture migratoire moderne, ces ruches restent ci toute l’année. Elles sont nettoyées au début de l’été et le miel produit grâce aux abeilles mellifères du Caucase est collecté vers en fin de saison.
Dans la tradition, ce sont les hommes de la petite communauté qui gèrent les ruches. Chaque homme étant responsable d’environ 5 ruches. Cependant, depuis un certain temps, la coutume évolue chez les hemshins. Désormais, les femmes ont appris les pratiques apicoles séculaires, et jouent un rôle crucial dans la préservation des traditions de leur peuple, un gage de pérennité de la culture Hemshin.
Le miel d’abeilles noires est produit dans la province de Rize. Cette variété d’abeille trouvée dans la région est une sous-espèce de l’abeille Caucaisan. L’apiculture a lieu à une altitude comprise entre 500 et 1000 m. Les abeilles sont très résistantes aux conditions hivernales et très fortes. Elles ne sont pas affectées par le temps brumeux et pluvieux. Ce spécimen de la région ne se nourrit pas de sirop de sucre, son miel est donc pur et ne contient aucun additif. Les abeilles se procurent du pollen de différentes variétés de plantes voisines (tilleul, châtaignier, baies rouges, fruits des bois sauvages et fleurs indigènes), qui fleurissent tous les deux mois, ce qui leur donne plus de temps pour travailler. Les abeilles sont en sommeil pendant l’hiver. De mi-juin à mi-juillet, la production de miel est au plus haut niveau, avec environ 80 000 à 100 000 abeilles actives.
La période de récolte du miel s’effectue toujours de mi-juillet à septembre, avant d’être tamisé ou vendu avec sa cire. Aujourd’hui, si l’apiculture moderne nécessite que les ruches soient placées dans des villes avec des ruches mobiles (une pratique bannie par les apiculteurs traditionnels).
Mais les ruches des abeilles noires ne peuvent pas être mobiles et doivent être installées dans les zones naturelles toute l’année. Les ruches hemshins sont spéciales, réputées parmi les apiculteurs du monde entier, elles sont intégralement faites à la main, à base de tilleul et ont une forme ovale de 50 à 100 cm de large et 40 cm de hauteur avec un toit peu profond. La région a une valeur naturelle unique en tant que l’une des dernières zones naturelles protégées de Turquie. Les ruches sont posées vers les altitudes plus élevées des montagnes Kaçkar afin que les abeilles puissent survivre. En effet, à la lumière du déclin actuel des populations mondiales d’abeilles, la conservation des espèces d’abeilles gardées dans cette région est cruciale dans la lutte pour la biodiversité.
L’abeille mellifère du Caucase n’est que l’un des nombreux types qui composent le large éventail d’espèces d’abeilles trouvées en Turquie. Chacun est essentiel pour la santé des écosystèmes existants et chacun doit résister aux forces de la maladie, du changement climatique et des catastrophes environnementales.
Pourtant, une menace se fait de plus en plus sentir ; le marché touristique.
Une incursion de plus en plus évidente de touristes qui désormais peuvent se rendre dans la vallée par milliers en bus ou en voiture par une nouvelle autoroute. Une région devenue de plus en plus populaire en raison de l’augmentation du tourisme lié au rafting, ce qui peut avoir une influence négative sur la nature protégée mettant fin à l’apiculture locale et à la production de miel, un mode de vie précieux ici depuis des centaines d’années. Aujourd’hui, le mimétisme entre le peuple Hemshin et les abeilles est flagrant, les deux luttent contre l’homogénéisation, l’un pour la survie de sa culture, et l’autre juste pour la survie.