Pour cette rentrée automnale, la Fondation Louis-Vuitton à Paris ouvre simultanément ses portes à deux grands artistes figuratifs : l’autrichien Egon Schiele et le new-yorkais Jean-Michel Basquiat. Malgré les décennies et l’Atlantique qui les séparent, ces deux génies ont en commun une énergie folle et un dessin aussi habité que compulsif qui traduit magnifiquement leur colère à l’égard de la société. La Fondation Louis-Vuitton propose deux expositions ou plutôt une double exposition à la fois forte et subversive résultant de leur singularité, une double exposition forte et subversive, regards croisés…
C’était l’idée d’un développement comparable dans le travail des deux artistes. Ils sont différents mais la jeunesse conjuguée à une une rage et une imagination tellement incroyable, unique et inimitable, les a reliés pour cette rétrospective. Un parallèle sur le travail de ces deux jeunes artistes que l’on ne s’attendrait pas naturellement à trouver côte à côte. D’abord : Egon Schiele, peintre autrichien du XIXe siècle représentant des nus expressionnistes nauséabonds, à l’époque choquants, comprenant des nymphes provocantes ainsi que des autoportraits tout aussi scandaleux. Ensuite Jean-Michel Basquiat, l’enfant terrible du néo-expressionnisme ami de Warhol dans les années 1980 à New-York, qui est à bien des égards, la vedette de cette exposition. Si cette juxtaposition de périodes, de styles et de techniques parait au premier abord inconcevable, elle est toutefois tentante. Basquiat était avant tout un artiste de rue contrairement à Schiele. Mais l’influence de la danse et d’autres formes d’art ainsi que la poétique de leur utilisation gestuelle de la ligne les unifie. Mais l’un des plus importants élément unificateur est, bien sûr, que tous deux font des dessins; même s’ils peignaient, ils utilisaient toujours des techniques de dessin. Schiele et Basquiat ont développé leurs propres styles, n’ont travaillé que pendant une dizaine d’années, sont morts au même âge et avaient ces grandes figures paternelles : Gustav Klimt pour Egon Schiele, Andy Warhol pour Jean Michel Basquiat, même si bien sûr, les relations étaient différentes. En regardant Schiele, il n’a jamais exploré l’abstraction, qui était à l’époque l’avant-garde majeure. Inspiré par le théâtre populaire, les marionnettes et la danse, il trouver une rupture avec l’histoire de l’art à ce moment-là, et affine les figures. En revanche pour Basquiat, la question de l’influence se posait vraiment, lui qui travaillait dans les années 1980, empruntant à tout, combinant les références, comme le collage, les graffitis ou le hip-hop, pour créer des œuvres d’art basée sur différents styles, différents types de connaissances et différents types d’art et de culture.
Egon Schiele est lui considéré comme un extraterrestre avec ses autoportraits dont la brutale sexualité morbide a mis a mal les bien-pensants et autres intellectuels viennois. Un style original qui est apparu au même moment ou Freud remettait en question les tabous sur le sexe et développait ses théories de psychanalyste. Ses toiles d’une nudité scabreuse entremêlant les postures d’épileptiques et de morts lui ont valu d’être jugé et condamné pour pornographie et incitation à la débauche. Il sera incarcéré pendant près d’un mois. Les graffitis de Jean Michel Basquiat expriment la révolte constitutive d’une identité et d’une culture multiethnique de la pauvreté urbaine au sein d’une société de consommation et de médiatisation à outrance. La question du racisme le hantait depuis son plus jeune âge si bien qu’une majorité de ses toiles évoquent la difficulté d’être noir dans un monde de blanc. Politiquement incorrect, insolent et parfois corrosif, Basquiat illustre singulièrement les misères de l’afro-américanisme. Entre le graff acide et la douceur poétique de son enfance ; son trait fait preuve d’une palette hautement expressionniste. Un brio qu’il cultive dans un bricolage à la fois harmonieux et abrupt.
Bien que le rebelle new-yorkais noir qui a commencé comme graffeur et le peintre viennois comme portraitiste sont issus de mondes et d’époques différentes, ils ont cultivé les excès. À l’instar de nombre d’artistes de sa génération Jean Michel Basquiat se fait emporter par une overdose à 28 ans tandis qu’Egon Schiele fut fauché par la grippe espagnole presque au même âge. Exposant jusqu’à leur dernier souffle, ces deux artistes rebelles laissent un héritage indélébile à l’art contemporain, pour le plus grand plaisir des collectionneurs et des musées…
Dates : 03/10/2018 – 14/01/2019
Programmation : Tous les jours (sauf mardi) 11h-20h, vendredi jusqu’à 21h, samedi et dimanche 9h-21h, nocturne jusqu’à 23h 1er vendredi du mois
Tarifs : entrée 16€, tarif réduit 10€ et 5€.
Fondation Louis-Vuitton
Adresse : 8 avenue du Mahatma Gandhi Bois de Boulogne 75016 Paris 16e
Métro : Les Sablons (ligne 1)
Site web : www.fondationlouisvuitton.fr