Dans son corps, il y avait plus de football que quiconque aurait pu rêver et plus de personnages que presque tout le monde pourrait en supporter. Quand il s’agit d’une vie intense, celle de Diego Maradona, simple footballeur, on entre dans une histoire volcanique fascinante, épuisante jusqu’au dernier moment. Mi-ange, mi-démon, Diego Maradona reste et restera toujours ce personnage atypique dans l’histoire du football.
Son talent footballistique hors norme aurait dû faire de lui l’égal du grand Pelé. Mais ses prédispositions incomparables ont été souvent mises sur le côté au bénéfice de ces frasques sur et hors du terrain. Une vraie personnalité dépositaire à lui seul de la ferveur et d’une passion incommensurable. Diego Armando Maradona était quelque chose d’unique, incomparable, inimitable. Vertueux et accro, attachant et querelleur, il est le passager incontournable d’une époque ou le football était autre. Ce petit homme (1,66 m) au centre de gravité bas pouvait un moment tutoyer le firmament, avant de multiplier d’impardonnables écarts qui lui faisaient côtoyer les enfers.
Découvert à 8 ans par Francisco Cornejo du club Argentinos Juniors, l’entraîneur a immédiatement su qu’il était en présence d’un joueur de football extraordinaire „Il a fait des choses que je n’ai jamais vu personne d’autre faire“, a déclaré Francisco Cornejo. À 9 ans, Diego Maradona intègre la catégorie des jeunes du club Argentinos Juniors, appelée les Cebollitas. L’enfant prodige ébloui de tout son talent cette catégorie pour enfants. Il a joué un rôle clé pour son club dans leur incroyable séquence de 136 victoires consécutives. Les fans sont déjà au rendez-vous de ce petit buteur impitoyable et de ce jongleur hors normes dont le ballon obéissait à toutes les différentes parties de son corps. Au dessus du lot, il était déjà très spécial et un tantinet charmeur. Dès ses 11 ans, il a droit à un article dans le journal argentin Clarin. L’Argentine découvre son joyau si bien que son club n’hésite pas à l’intégrer dans sa section professionnelle. Les supporters du club le connaissent déjà. Diego Maradona faisait le show avec le ballon lors des mi-temps des matches. En 1976 à tout juste 15 ans, il fait son entrée sur le terrain face à Talleres de Cordoba premier match pro et dès sa première action, il se permet de faire un petit pont à un défenseur adverse. Un culot énorme, illustration parfaite du caractère à la fois imprévisible et provocateur. En 1977, à 16 ans, Diego est appelé en sélection argentine. Le rêve du petit meneur de jeu est de participer à la Coupe du Monde 1978, qui a lieu en Argentine. Écarté au dernier moment de ce Mondial 78, Diego se rattrape l’année suivante en remportant le championnat du monde junior au Japon. C’est avec cette compétition que le génie gaucher se dévoile à la face du monde entier. Peu de temps après à 16 ans Diego Maradona a fait ses débuts dans l’équipe nationale, remplaçant à la 65e minute lors d’un match amical contre la Hongrie à La Bombonera, domicile du club emblématique Boca Juniors, qu’il rejoindra en 1981. Rêvant de participer à la Coupe du Monde 78 dans son pays, il fut snobé par l’entraîneur, mais se rattrape l’année suivante en remportant le championnat du monde juniors au Japon. Une compétition de second ordre, mais qui lui offre tous les honneurs et une visibilité mondiale. Impérial gaucher, buteur de la finale face à l’URSS , il est élu ballon d’or de la compétition. De retour dans son pays , c’est l’effervescence, Diego Maradona devient le joueur que toute l’Argentine attendait. Idolâtré à l’extrême, il signe des contrats publicitaires à la pelle, et ce, en pleine dictature militaire. Par la suite, son club d’Argentinos Juniors se délecte de sa présence, il y dispute au total 166 matches et marque 116 buts. Sa technique unique et sa formidable habileté à dribbler en font un joueur unique. En 1981, il rejoint le club mythique de Boca Juniors, club du peuple ou pour sa seule saison Diego y renforce son image de joueur de quartier populaire et inscrit 28 buts en 42 rencontres. Il a de plus marqué un superbe but en solo contre l’éternel club rival River Plate qui a contribué à Boca Juniors à remporter le titre. Le Mondial 82 espagnol fut l’occasion pour Diego Maradona d’enfin participer à sa première phase finale de Coupe du Monde. Avec deux phases de poule, la sélection argentine rate son entrée, éliminée par deux défaites face à l’Italie et le Brésil. Mais compte tenu de son développement rapide et de ses performances toujours dominantes, il n’était pas surprenant que le phénomène argentin soit courtisé par les plus grands clubs européens et en 1982, de retour d’Espagne après sa première Coupe du Monde, il y retourne, mais cette fois pour rejoindre le club du FC Barcelone pour un montant record. Des débuts prometteurs avec des bonnes performances malgré le dur jeu défensif du championnat espagnol, mais son niveau n’est pas encore au top. Il faut préciser que l’argentin découvre les catalans et à du mal à se mélanger. Comme échappatoire à cette ambiance catalane, il sort tous les soirs, organise des fêtes dantesques découvre les effets de la prise de cocaïne. Coupé dans son élan lors d’un match contre Bilbao par un tacle assassin du „Boucher de Bilbao“, le basque Andoni Goicoechea, il souffre d’une cheville fracassé. Un geste condamnable mais son bourreau n’est même pas expulsé. Son retour est acté 14 semaines plus tard, mais il a cependant du mal à montrer sa meilleure forme. En revanche, pour la bagarre, il excelle, et durant le match face à Bilbao, le teigneux n° 10 se bat comme un petit gars de la rue. Sa période catalane s’achève en 1984 et en 58 matches avec Barcelone, Diego Maradona a inscrit pas moins de 38 buts et remporté une Coupe d’Espagne. Il rejoint Naples avant la Coupe du monde au Mexique et le moment où il s’est imposé comme un véritable grand.
Un Mondial mexicain où le capitaine argentin y a joué chaque minute de chaque match, marquant cinq buts et fournissant des passes décisives pour cinq autres. Il a été souverain tout au long, le joueur le plus dynamique et passionnant du tournoi et a coupé le souffle de tous avec son deuxième but contre l’Angleterre au stade Azteca quand il a renversé deux joueurs sur la ligne médiane avant de dépasser une autre paire et sous la pression d’un défenseur, il feinte habilement en contournant le gardien anglais avant de pousser le ballon dans un filet vide. C’était une démonstration étonnante d’habileté alliée au courage considéré comme l’un des plus grands buts de cette compétition. Pourtant seules 4 minutes de ce match épique résument à elles seules la carrière et la double personnalité du joueur argentin. Juste avant sa magnifique seconde réalisation, son fait d’armes le plus connu est son but de la main. Face à Diego Maradona en pleine course, le grand gardien Peter Shilton sort de ses cages pour rattraper le ballon. A ce moment crucial, les deux joueurs se rencontrent et dans les airs mais le joueur argentin et ses 1,65m ne font visiblement pas le poids. Ne pouvant pas atteindre la balle de la tête, dans un geste désespéré mais volontaire, il tend le bras et avec sa main frappe le ballon, lequel lobe le gardien et fini dans les filets. L’instant immortalisé et validé par l’arbitre fait le tour du monde, et le joueur justifiera son geste comme « la main de dieu ». Malgré les protestations des hommes de Bobby Robson, le but était validé au grand dam des anglais. L’impact médiatique de Diego Maradona explose ce quart de finale et bat des records après la victoire finale face à l’Allemagne synonyme de sacre mondial pour l’“Albiceleste“. Ses sept années (1984/91) à Naples, y compris la Coupe du monde au Mexique 86, ont été la subsistance pour qu’il deviennent le meilleur footballeur du monde, l’héritier de Pelé. Une table à laquelle les joueurs Alfredo Di Stéfano et Johan Cruyff s’étaient auparavant assis. À Naples, le diamant qui brillait au Mexique était fini de polir : le fait de jouer dans ce club du sud de l’Italie fut pour lui la bonne préparation pour affronter la Coupe du monde, même la meilleure. Diego Maradona a transfiguré le club italien. Dans la saison précédant son arrivée, Naples s’était sauvé in extremis de la relégation. Mais avec son nouveau poulain, le club de Naples est parti vers une gloire inconnue. Il restera au Napoli sept années et il en fera l’un des meilleurs clubs d’Italie et d’Europe en adoptant tous les napolitains. Sous les couleurs bleu ciel et blanche du Napoli, l’argentin a remporté deux scudettos (1987 et 1990) et une Coupe UEFA (1989). Une belle revanche pour le prolétariat du sud de l’Italie face au nord industriel riche et puissant. Diego Maradona et Naples furent la métaphore parfaite de la justification des oubliés. Dans ce club, ses statistiques sont flatteuses : 259 matches, 115 buts, cependant, parallèlement à ses exploits avec un ballon, Diego céda aux tentations d’une vie dissipée : drogues, fêtes gargantuesques avec la camorra, fils extra-conjugal… Le rêve napolitain s’est terminé en 1991 avec le dopage à la cocaïne et la suspension de 15 mois.
Une déchéance qui le voit poursuivi par la justice italienne à laquelle le joueur échappe en prenant la fuite dans son pays. Il rejoint Séville anecdotiquement pour une saison avant de retourner dans son pays natal pour jouer pour les Old Boys et les Boca de Newel, sans succès, Diego Maradona n’est plus que l’ombre du joueur qu’il était. Malgré ces nouvelles tentatives de retour au premier plan, il raccroche définitivement les crampons en 1997, à l’âge de 37 ans. Diego Maradona a participé à deux autres Coupes du monde en 1990 en Italie (2e) et en 1994 aux Etats-Unis (sortie en 8e de finale par la Roumanie). Au total, le meneur de jeu a été sélectionné 91 fois, marquant 34 buts.
Après ses batailles personnelles, il a dirigé l’Argentine pendant deux ans, les emmenant à la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud où son équipe composée de Juan Sebastian Veron, Carlos Tevez et Lionel Messi ont atteint les quarts de finale. Un an plus tard, et après avoir quitté le poste de l’équipe nationale, il a pris la direction d’un club de Dubaï, Al-Wasl avant de continuer à occuper le terrain footballistique au Mexique comme entraineur des Dorados de Sinaloa et ensuite le dernier comme manager de l’équipe de première division argentine Gimnasia y Esgrima La Plata.
En plus de son art du football, inscrit dans ses gènes, il avait le don de se connecter avec le public. Diego était très charismatique voir séduisant. Il a toujours exercé un magnétisme spécial, auquel presque personne ne s’est échappé. La plupart pour l’adorer, d’autres pour le condamner pour certains de ses comportements. Son tempérament était celui de quelqu’un qui était ravi d’être le Diego Maradona qui satellise en direct pendant des heures un public du monde entier.
De ses collègues footballeurs, il a gagné respect et admiration éternels, qu’ils soient coéquipiers ou rivaux. Les fans lui ont apporté quelque chose de très proche de la vénération. Cela pouvait être dans un champ, dans un lieu public ou dans les longues veillées aux portes des établissements de santé qu’il fréquentait assidûment en raison d’une santé fébrile. Partout où il allait, Diego Maradona traînait une cour derrière lui. Au fond de lui, il aurait aimé se promener comme tout le monde presque incognito, une performance qu’il n’a jamais réussi peut-être parce qu’inconsciemment, il aimait mobiliser les masses populaires.
Diego Maradona était un footballeur d’élite, dans les années précédant l’irruption d’Internet, à la révolution technologique. Une période de l’histoire ou les stars sont vraies et où le football était lié à ses origines les plus primitives avant de devenir plus tard une grosse industrie extrêmement commercialisée, dans laquelle tout est susceptible d’avoir un prix ou un intérêt économique.
Il était le meilleur du monde à une époque où Michel Platini collectionnait des Ballons d’Or dont ne pouvait pas bénéficier l’argentin car la réglementation du Ballon d’Or de cette époque excluait les footballeurs n’étant pas nés en Europe. Il a également dû faire face à un arbitrage plus permissif et tolérant qu’aujourd’hui avec un jeu brutal et des fautes sournoises.
Son nom de famille s’est transformé en un néologisme synonyme d’excellence du football. Lorsqu’on parle d’un jeu ou d’un but à la Maradona, la qualité et les compétences techniques sont implicites.
Les rois, les papes, les princes, les présidents de pays, les premiers ministres, les cheikhs et les émirs voulaient avoir leur photo avec Maradona. Pour quelque chose, son nom de famille s’est transformé en un sésame synonyme d’excellence du football et avait l’entité d’un passeport : „Argentine? Maradona ?“ C’était le raccourci immédiat dans les pays les plus reculés. Il fallait garder les pieds fermement plantés sur le sol pour ne pas avoir le vertige. Ses positions politiques se radicalisent du côté de Fidel Castro, avec qui il partage de longs rassemblements à Cuba ou il a résidé un certain temps, et aussi le vénézuélien Hugo Chávez. Mais c’est le Che Guevara qu’il adule comme patron de la doctrine révolutionnaire qu’il affectionne.
Après sa longue bataille contre la drogue terminée, il s’est retrouvé face à un autre ennemi inflexible : l’alcool. Cela a brisé ses liens émotionnels, l’a éloigné de ceux qui l’aimaient le plus et l’a rapproché de ce qui, au fil des ans, acquiert un sens sombre : son environnement. Des personnes qui non seulement ne l’aidaient pas, avaient une ascendance pour lui fixer des limites. Mais profitaient également de ses faiblesses et se livraient à des excès pour ne pas le contrarier, bref, une belle cour de profiteurs agissant pour leur propre bénéfice.
Sa vie amoureuse n’a jamais trouvé de stabilité. Il faudrait un audit approfondi pour connaître le nombre de personnes qui vivent de ce que Diego Maradona pourrait générer. Diego Maradona est père de 8 enfants, avec 6 mères différentes, nés en Argentine, à Cuba et en Italie. De son mariage avec Claudia Villafane, il a deux filles ; Dalma (1987) et Giannina (1989). Son fils Diego junior (1986) naît à Naples de sa relation avec Cristina Sinagra (Reconnu en 1993). Jana (1986) est née d’une liaison avec Valeria Sabalain (Reconnue en 2014). Trois autres enfants Joana, Lu et Javielito de deux mères différentes sont nés dans les années 2000 à Cuba et ont été reconnus en 2019. Enfin, Diego Maradona est également le père de Diego Fernandes né en 2013 de sa relation avec l’ex-footballeuse Veronica Ojeda.
Depuis une dizaine d’année, il ajoutait des kilos dans un corps qui lui a fait sonner diverses alarmes. Les genoux s’affaissaient. Hospitalisé pour des problèmes cardiaques, par deux fois, avec une première intervention nécessitant l’utilisation d’un respirateur. Il a en outre subi un pontage gastrique pour aider à endiguer son obésité.
Comme une énième addiction, la batterie de sédatifs et de médicaments l’a transformé en bombe chimique. Son corps et son esprit étaient déjà épuisés, ses facultés se détérioraient crescendo et malgré la bonne récupération de sa fonction cardiaque (90 %) Diego Maradona devait définitivement rester à l’écart de toute situation à risque. Mais les opportunistes qui voulaient toujours en vivre n’ont rien remarqué, ils l’ont utilisé jusqu’à leur dernier souffle. Opéré d’un hématome au cerveau début novembre, Diego Maradona décédera 2 semaines plus tard à l’âge de 60 ans, d’une crise cardiaque, dans sa maison de Tigre dans la banlieue de Buenos Aires. Adios Diego !!